Éveil
de Taiyô Matsumoto
un florilège de sensations

Éveil de Taiyô Matsumoto raconte dans un temps futur indéterminé, pourtant bien similaire au nôtre, l’histoire d’une tribu chaste, vivant en communion avec la nature.
La bande dessinée Hana de Taiyô Matsumoto paraît pour la première fois en 2002 dans les pages du magazine Big Comic Spirit. En janvier 2019, à l’occasion de la venue de l’auteur japonais au Festival international de la BD d’Angoulême, elle est publiée une seconde fois, en français, sous le nom d’Éveil.
L’origine de la tribu reste incertaine, floue et obscure, semblable à la couleur noire de l’ensemble des illustrations de la BD. Cependant, les traits fins du visage des personnages, leurs yeux bridés laissent penser qu’ils sont asiatiques. Ils vénèrent les esprits, les arbres, la pluie et le beau temps ; ils dansent à l’extérieur selon leurs rites et leurs coutumes.
C’est donc dans un univers inconnu, voire inquiétant et ésotérique que le lecteur contemporain est plongé.
Entre Orient et Occident
L’édition française d’Éveil est particulière et unique : elle fait dialoguer les cultures orientales et occidentales. En effet, elle respecte et reproduit la technique japonaise du manga tout en l’adaptant : tous les dessins sont en noir et blanc, à l’exception de la première planche, colorée. Le sens de lecture initial du manga (de droite à gauche), est inversé, pour s’adapter au lectorat européen.
Le tracé au crayon noir semble griffonné et brouillon mais il est exploité en relation intense avec son opposé chromatique, le blanc. Ils se complètent visuellement, rythmant et dynamisant la BD. Cette fusion rappelle le Yin et le Yang. Le Yin, le noir, représente la faiblesse humaine, et le Yang, le blanc, la compréhension spirituelle. Ensemble ils forment le tout, l’univers et tout ce qu’il contient. Ils renferment la dualité de l’existence, de tout ce qui existe, l’harmonie ainsi que l’équilibre au sein de l’univers.
Cette monochromie binaire est aussi une forme de narration : tout au long de l’histoire, de nombreuses cases ne comportent pas de phylactères, elles sont vides de dialogues. C’est alors la force du dessin et la complémentarité du noir et du blanc qui fondent l’intrigue et la poursuivent jusqu’aux prochaines réflexions des personnages.
Un retour à la nature
Comme son nom l’indique, la BD est un éveil au monde, à la nature. Les personnages de la tribu vivent en communion avec celle-ci. C’est une véritable source vitale selon leurs modes de vie. « Il y a tant de choses à découvrir comme les montagnes… l’eau bouge tel un être vivant, le sable brûle les pieds… »
Les quatre saisons rythment le déroulement de la BD : l’histoire commence en automne et se termine en été. Le vent, la pluie, le sable, le feu, le bois font écho aux quatre éléments convoqués et adulés par les personnages.

Cependant, un seul membre de la tribu, le jeune Yuri, ne connaît pas la nature ni ce qu’elle a à offrir. Il n’ose pas sortir car il a peur du vent. Il reste enfermé dans son atelier à sculpter des masques à la physionomie des esprits qu’il est le seul à voir. « Ce n’est qu’un enfant. »
« Je souhaite que le monde du dehors se projette dans tes yeux », expire difficilement le père de Yuri, sur son lit de mort. Les esprits avaient annoncé à l’enfant que son père « allait se faner ».
Un éveil à soi
Le titre Éveil s’applique aussi au jeune Yuri, qui se cherche. Il doit encore s’émerveiller, développer ses sens et s’ouvrir au monde qui l’entoure, alors que son père est déjà en déclin. Il finira par découvrir l’extérieur, sauvage. Libre comme l’air, il entrevoit alors la fougue de la jeunesse adolescente.
Ces thématiques telles que la mort, le deuil, l’enfance, l’essence et la recherche de soi, happent et touchent le lecteur. Il s’agit là de lui transmettre mais surtout de lui rappeler, au delà du spirituel ambiant de la BD, des sensations ainsi qu’un florilège de leçons de vie. La nature permet de se retrouver, harmonieusement. La mort est inévitable. La jeunesse n’est qu’éphémère. Mais toutes ces choses simples, naturelles voire essentielles, le lecteur les connaît déjà, c’est juste que, bien souvent, il les oublie.
L'auteurJulie Delcourt
Avec un pied dans le monde des médias, je vis partiellement de ma plume. Journaliste freelance spécialisée dans les contenus emploi et RH, je suis passionnée de culture et j’aime…Julie Delcourt a rédigé 30 articles sur Karoo.
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