critique &
création culturelle
Les Atrides
ou les liens du sang

Le tonnerre promis est un concert de rock, inquiétant, agité, pénétrant qui fait place à la nuit dans laquelle deux ombres chuchotent parmi les étoiles. Tout indique que quelque chose se prépare, quelque chose de terrible et d’inévitable…

Hélène, la femme de Ménélas a été enlevée par le beau Paris, un prince troyen. Tous les royaumes de Grèce s’unissent à Agamemnon, le frère de Ménélas, choisi pour guider l’armée qui lavera l’affront. Seulement, la vengeance a un prix et les dieux le réclament.

Agamemnon est le chef des rois grecs et a été choisi pour mener leurs armées aux portes de Troie. Cela fait pourtant plusieurs jours que les bateaux sont bloqués car le vent ne souffle pas.

Agamemnon est un père aimant, admiré par sa fille dont la candeur transpire l’innocence.

Un échange.

Le roi et le père se déchirent comme le devoir et l’amour. Le roi tue le père, qui meurtri, accepte d’offrir sa fille en sacrifice. C’est un homme vide et torturé qui se persuade sous nos yeux avant d’ourdir un piège terrible pour faire appeler sa fille auprès de lui et de l’armée bloquée. Sous prétexte d’un mariage avec l’un de ses meilleurs guerriers, le roi ordonne à sa femme, Clytemnestre, de lui envoyer sa fille, Iphigénie.

Quand le piège est découvert, il n’est plus possible de faire demi-tour. Le ciel se déchire sous les cris de la mère et les supplications de l’enfant. Mais rien n’y fera, l’honneur prévaut et Iphigénie mourra pour l’orgueil des rois.

Les essentiels du drame trouvent ici leurs fondements dans l'Iliade d’Homère. On redécouvre les histoires qu'on pensait pourtant connaître par cœur… le père tue la fille par devoir, la mère tue le père par vengeance, le fils tue la mère par honneur. Et voici les sombres héros, ces rois si petits pataugeant déjà dans le fumet du sang, enchaînés par les racines de leur auguste nom à un destin implacable. Et on assiste impuissant à l'éternel retour d'une fin inéluctable. Ces histoires vivent parce qu'elles acceptent d'être réappropriées encore des siècles plus tard.

La mise en scène audacieuse de Georges Lini secoue la salle comme on époussette une nappe et donne au malheur des Atrides une résonance terriblement actuelle. Une musique qui scande l'horreur comme une horloge infernale et pourtant, alors que le drame se tisse sous nos yeux, étranglant, agitant cette famille comme des pantins de cire, la poésie parvient quand même à se glisser sur scène. Des étoiles pour horizon, une nuée lumineuse jusqu'au sang mêlé des amants punis, jeté à la face du public. Le mythe reste vivant.

À ces êtres à moitié divins, les comédien.nes prêtent des traits si touchants qui redessinent les contours d'une humanité fragile, friable, mortelle. On retrouve notamment Wendy Piette et Félix Vannoorenberghe qui s’étaient déjà donné la réplique dans La profondeur des forêt ; une pièce toute aussi sombre dans laquelle nous avions découvert le jeune comédien. Avec les Atrides , Félix Vannoorenberghe confirme son statut de jeune espoir du théâtre belge et promet de nous faire encore vibrer. Quant à Wendy Piette, son talent n’est plus à démontrer. Impliquée dans des pièces profondes, elle prête sa voix candide et sa gouaille à des personnages toujours aussi touchants, toujours aussi graves.

À corps et à cris, luttant puis finalement résignés, ils accomplissent leur triste sort, acteurs d'une destinée qui a précédé leurs pas.

Même rédacteur·ice :

Les Atrides

d’après les textes d’ Euripide, Eschyle, Sénèque et Sophocle

Mise en scène et adaptation Georges LINI
Avec Pierre CONSTANT, Daphné D’HEUR, Inès DUBUISSON, Itsik ELBAZ, Stéphane FENOCCHI, Wendy PIETTE, François SAUVEUR, Léopold TERLINDEN et Félix VANNOORENBERGHE
Assistanat Xavier Mailleux
Scénographie et costumes Thibaut DE COSTER et Charly KLEINERMANN
Lumières Jérôme DEJEAN
Musique Pierre CONSTANT et François SAUVEUR
Vidéo Sébastien FERNANDEZ

Théâtre du Parc, vu le 22 janvier 2020