critique &
création culturelle
Walter
Le sublime d’une complexe simplicité

Walter de Michel Carcan narre l’histoire d’un Gepetto moderne dont la marionnette, son Pinocchio mature, s’approprie les propres fils de sa vie et ceux de son maître. Entre complexité et simplicité artistique.

Walter est une pièce d’une cinquantaine de minutes dont les fondements lancent d’emblée la controverse inhérente à toute dramatisation : la question de la représentation, du réel et de la fiction. Ce qui est joué, est-ce réel ? Ou plutôt fictif ?

« Walter est une histoire incroyablement fausse mais dont on rêverait qu’elle soit vraie » , peut-on lire dans le synopsis de la pièce. Au théâtre, la frontière entre la fiction et la réalité est toujours poreuse.

Vrai ou pas vrai, qu’importe : le spectateur est immédiatement happé par le décor et l’ambiance scénique. Des bruits de vent, suivis d’une musique d’ambiance country. Sur la scène, six rideaux, groupés par deux, représentant à la fois des pièces de vie et l’entrée des acteurs sur la scène. Un décor désertique aux airs de Far West.

Walter s’ouvre sur son personnage éponyme, attelé à sa marionnette, Mario. La complicité entre l’homme et son pantin est éloquente, elle émeut. C’est sur cette empathie généralisée – en guise de pathos théâtral – que s’axe la pièce. Tout au long de celle-ci, le public est touché par la simplicité des personnages, leur ressenti, leur côté humain.

Plus encore, cette humanité dramatique participe de la confusion entre le réel et la fiction. Elle atteint son paroxysme avec le personnage de Mario, une marionnette jouée par un acteur, un individu. Celle-ci ressemble à un humain mais le jeu est tel qu’elle ne l’est pas. Le spectateur ne sait plus quoi penser. Regard fixe dans le vide, membres désarticulés, crissant à chaque mouvement commandé par le marionnettiste. Le teint blanc, les pommettes roses, Mario a un air de Chapelin. Il rappelle le mime, et la force de cette forme primitive de dramatisation muette.

Au fur et à mesure de la pièce, Mario désobéit à son maître, il gesticule et commence à parler. Il devient humain et intrusif, il se mêle de la vie de Walter et de son acolyte de théâtre, Brigitte – Bibi pour les intimes. Walter est trop timide. Il aime Brigitte. Mario se charge de faire l’entremetteur.

S’ensuit un concentré de scènes et d’échanges comiques entre les acteurs. Des Indiens, des ballons à plume, une dame anglaise en détresse, une perruque blonde. Le spectateur ne sait plus où donner de la tête. Rires garantis.

Entre complexité et simplicité

La force de la pièce repose – je trouve – dans la simplicité de son scénario, de ses personnages et de ses décors. Mais Walter aborde également, de manière latente, des procédés propres à l’art qui témoignent d’une complexité recherchée.

D’abord, les va-et-vient constants entre le réel et la fiction. Mario est une marionnette incarnée par une personne qui se déshumanise, désarticulée. Mais, petit à petit, ce pantin rouillé se réveille et prend vie, Mario devient un humain. Il parle, pense et joue du piano.

Ensuite, l’intrigue de Walter se fonde sur le procédé littéraire de la mise en abyme : une pièce de théâtre introduite dans une pièce de théâtre. En effet, le spectateur assiste à une pièce dans laquelle les acteurs jouent le rôle d’acteurs. Ils sont les acteurs d’un autre théâtre, celui dont Mario est la marionnette divertissante.

Simplicité et complexité font bon ménage. Des caractéristiques dramatiques simples (personnages, scénario et dialogues) combinées à des subtilités dramaturgiques (réel ou fiction ?), voilà les ingrédients d’une pièce de théâtre réussie.

Même rédacteur·ice :

Walter

De Michel Carcan
Avec John-John Mossoux, Sandrine Hooge et Michel Carcan
Mise en scène Eric De Staercke
Composition musicale Philippe Tasquin