critique &
création culturelle
Le divorce de mes marrants
Comment filmer l’irréconciliable ?

Tout d’abord sorti sur la plateforme Sooner puis présenté en salle dans le cadre du festival Millenium pour la compétition belge, Le divorce de mes marrants de Romy Trajman et d’Anaïs Straumann-Levy est un documentaire assez original et très intime qui fait l’enquête sur le divorce parental.

C’est l’histoire de Romy, 23 ans, jeune réalisatrice et chanteuse qui vit en France. Sa passion, la musique, elle la partage avec sa mère, Marielle Sade, qui est sa plus fidèle amie avec laquelle elle a créé une boîte de production menant plusieurs projets musicaux. Mais voilà que sa relation avec sa mère est mise à mal lorsque le sujet sensible du divorce est évoqué. Romy vit une crise existentielle. Elle a besoin de trouver des réponses à ses questions : pourquoi ses parents se sont-ils séparés ? Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Ainsi aidée de son amie caméraman Anaïs, elle entame le projet de filmer sa famille pour mieux comprendre ce qui fait sa singularité.

10 ans après la séparation de ses parents, la jeune réalisatrice retourne à Bruxelles pour revoir son père, Paul Trajman, un artiste-peintre qui habite avec le grand-père et l’oncle dans la maison familiale. Les retrouvailles ne sont pas faciles, surtout si le sujet de leur discussion porte sur le divorce. Lorsque Romy cherche des réponses claires sur la question, elle est très vite confrontée aux douleurs revécues par son père Paul ; d’autant plus que celui-ci est atteint de bipolarité depuis ses 18 ans et qu’il est des fois, comme il dit, dans sa phase « down » et des fois « up ».

Croyant pouvoir trouver des explications, la jeune réalisatrice découvre peu à peu un monde souterrain caché. Avec ce film, elle ouvre des portes où les non-dits et les secrets de famille refont surface. Et pour cela, Romy Trajman n’hésite pas à consulter la mémoire, celle d’une famille décomposée par le temps comme celle de la grande Histoire, de la Shoah, vécue par son grand-père paternel et qui affecte visiblement son père.

L’originalité de ce film ne repose pas seulement sur la fantaisie de ses personnages hauts en couleur mais aussi sur la matière filmée. À ce récit, la réalisatrice joint des clips musicaux lui permettant ainsi de trouver une nouvelle voie d’expression artistique et ainsi de casser les codes du genre documentaire. On pourrait également trouver une autre particularité à travers cette séquence du film où Romy Trajman met en scène un divorce qui est celui de ses parents, célébrant ainsi de manière surréaliste l’impossibilité d’une réconciliation familiale.

Bref, Le divorce de mes marrants est un film décalé et émouvant. La réalisatrice sonde ses personnages au plus profond de leur être, quitte à remuer le couteau dans la plaie, pour comprendre le passé afin de mieux vivre le présent. Déconstruire pour essayer de reconstruire. Voilà le but fixé par Romy Trajman à travers ce film.

Même rédacteur·ice :

Le divorce de mes marrants

De Romy Trajman et Anaïs Straumann-Levy
Avec Romy Trajman , Paul Trajman et Marielle Sade
Belgique, 2020
83 minutes