critique &
création culturelle
Martha Argerich,
La musique à l’épreuve du temps

La pianiste argentine mondialement reconnue a donné le 20 mars un concert à Bruxelles, accompagnée de son ex-époux, le pianiste américain Stephen Kovacevich. Les deux musiciens nous ont livré une performance tout en technique et en finesse.

Flagey, un mercredi soir. Le studio 4 est plein à craquer. Sold out . Une forte odeur de renfermé effleure mes narines. Les lumières se tamisent, les voix deviennent feutrées et soudain, le silence s’installe.

De longues secondes passent. Martha Argerich se fait attendre. Mais bientôt, elle apparaît et s’avance sur scène d’un pas déterminé, arborant ce large sourire qu’on lui connaît si bien. Elle sera accompagnée ce soir par son ex-époux, le pianiste américain Stephen Kovacevich.

Les premières notes de la version pour deux pianos des Danses symphoniques de Rachmaninov (1940) se font entendre. Le compositeur lui-même décrivait cette œuvre comme « sa dernière étincelle ». Un premier mouvement agité et sombre, presque angoissant. Une pièce moderne aux sonorités typiquement russes. Tout au long de cette œuvre de caractère, le son résonne, amplifiant tout l’espace.

Martha caresse les touches noires et blanches. Sa longue chevelure grise s’agite au fil des notes, dans un enchaînement limpide de traits difficiles. Cette pièce, qui requiert pourtant beaucoup de technicité, ne semble plus avoir aucun secret pour les deux musiciens, comme s’ils jouaient l’œuvre tous les matins au saut du lit. Leurs doigts semblent glisser sur le clavier comme un bateau voguant sur des flots tranquilles. L’exécution se passe sans une fausse note, ou si c’est le cas, elles m’ont échappé. Le léger décalage de tempo entre les deux musiciens, qui survient dans le deuxième mouvement, disparaît aussitôt. Martha bat la mesure avec son pied et chante les notes, comme habitée par la musique.

Peu satisfait du premier mouvement des danses, Stephen Kovacevich s’adresse au public dans un anglais au fort accent américain et, ensemble, ils décident d’exécuter un bis du premier mouvement. Il paraît qu’on appelle cela le perfectionnisme.

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