L’aventure du Cavalier bleu
Marc & Macke
Origines et histoire à l’Orangerie

Du 6 mars au 17 juin 2019, le Musée de l’Orangerie à Paris met à l’honneur deux peintres expressionnistes allemands : Auguste Macke (1887-1914) et Franz Marc (1880-1916). Ces deux avant-gardistes ont marqué le monde de la peinture par leurs couleurs, leurs formes et leur lumière.
Les beaux jours arrivent. Il est temps de sortir. Quoi de mieux qu’une balade au Jardin des Tuileries à Paris ? Tout bon amateur d’art sait qu’il abrite aussi l’Orangerie. Dans la continuité de sa programmation, le Musée de l’Orangerie revisite et présente les mouvements d’avant-garde au XXe siècle. La toute première grande rétrospective d’Auguste Macke et Franz Marc, deux artistes allemands et amis, morts sur le front 14-18. Ensemble, ils inaugureront le mouvement et aventure artistique « Der Blaue Reiter » (Le Cavalier bleu) — une vision spirituelle de l’art, dans laquelle la couleur est fondatrice. Une exposition chronologique où se mêlent en toile de fond l’influence fauviste, cubiste et futuriste des artistes français. Sur place, une centaine d’œuvres (peintures et arts graphiques) pour la plupart jamais exposées en France.
Une amitié profonde

C’est en 1910 à Munich, ville natale de Franz Marc, que les deux peintres se rencontrent. Auguste Macke, originaire de Bonn, s’y rendait régulièrement pour découvrir la peinture d’avant-garde. Alors que Marc exposait ses tableaux dans une galerie, Macke fut subjugué par la couleur du tableau. Dès le lendemain, il se rend dans son atelier. C’est le début d’une belle et longue amitié. Deux artistes, deux amis aux noms presque indissociables mais à la touche et aux sujets bien distincts. Si leur vision de l’art évoluera vers des horizons plastiques différents, ils continueront à partager régulièrement leur avis sur leurs œuvres respectives.
Dès l’entrée de l’exposition le visiteur découvre l’alternance des tableaux de Marc et Macke avec leurs thématiques respectives et l’usage singulier qu’ils font de la couleur.
Marc et la pureté du monde animal
Marc peint essentiellement des évènements terrestres et a une préférence pour les animaux. Dans Jeune garçon avec un agneau (illustration 1), une des rares représentations humaines, qui plus est masculine, Marc hisse l’animal comme motif pictural central. En quête de pureté originelle dans laquelle l’homme n’a plus sa place, l’animal représente la perfection.
« Très tôt déjà, relate-t-il, j’ai trouvé l’homme laid ; l’animal me paraissait plus beau, plus pur »1
En 1911, Marc fait la rencontre de Vassily Kandinsky, artiste russe très influent, qui déjà se détache de la touche postimpressionniste et dilue la figuration du réel en abstraction. L’artiste allemand s’inspire aussi d’autres mouvements picturaux, comme le cubisme ou le futurisme. Marc laisse derrière lui les formes figuratives pour explorer les formes géométriques abstraites. Ainsi, dans Les écuries (illustration 2), le sujet, des chevaux dans leur box, s’efface au profit d’une composition dans laquelle les formes et les couleurs évoluent de façon presque autonome.

Seules les lignes permettent encore d’apercevoir ce qui se cache derrière cet ensemble coloré. Marc disait que le cubisme lui permettait de structurer sa toile, tout en dessinant de manière non-figurative. Au fil des années, il se détachera complètement de tout réalisme pour ne finir par peindre que des formes pures. Progressivement, le monde de Marc est devenu spirituel et symbolique pour réaliser l’unité perdue avec la nature.

L’artiste ne peignait pas que des sujets quotidiens ou mystiques. En effet, très vite, Marc comprend les enjeux du premier conflit mondial et développe une haine pour la guerre. Dans Les loups (Guerre des Balkans), l’artiste témoigne de son époque où les tensions politiques au sein des Etats multinationaux se font d’ores et déjà ressentir. Les loups sont représentés comme des fusils prêts, à tout instant, à attaquer. En 1914, les deux peintres sont appelés au front en renfort. Macke sera le premier à mourir au combat suivi de Marc quatre ans plus tard près de Verdun.
Macke, le rythme des couleurs
Macke, souvent moins connu du grand public, accorde la primauté aux sensations et à l’observation directe de la nature dans son essence lumineuse. Très tôt, il tente de se séparer du réel en utilisant des courbes et arrondis. Il s’inspire du simultanéisme de Delaunay pour juxtaposer plusieurs formes et créer une évasion picturale. En 1913, il s’éloigne de l’effervescence bavaroise et s’installe dans sa résidence en Suisse. Il voyage ensuite avec son ami Paul Klee et découvre la Tunisie. Les couleurs et la lumière l’émerveillent. À son retour, il se lance dans de nouvelles créations, notamment à l’aquarelle. Il change sa méthode de travail pour une structuration en grille lui permettant ainsi de jouer sur les zones de lumière et d’ombre.

1914, aquarelle sur papier 24,5 x 30,5cm,
collection particulière,
courtesy Neue Galerie, New York
L’Orangerie nous propose ici un cadeau de taille en présentant deux artistes partis trop tôt, laissant leurs œuvres colorées pour affronter la palette sombre et sanglante de la guerre.
Tout au long de la visite, amateur et amatrice d’art découvrent progressivement les travaux des deux artistes, présentés ensemble, parfois côte à côte. Ainsi, les influences, les points communs sont révélés. L’exposition amène le visiteur à découvrir leurs œuvres à partir de leur formation expressionniste, l’expérience du cavalier bleu, le symbolisme des couleurs et les deux voies de l’abstraction : les visions mouvementées de Marc et les compositions colorées de Macke. On est happé dans les paysages des peintres et plongés dans leurs univers, dans une autre dimension. Ce qui nous saisit aussi, ce sont les couleurs tantôt primaires tantôt dégradées qui contrastent avec le mur blanc et nous donnent une impression de dynamisme, d’énergie et de cosmopolitisme. L’exposition est accompagnée d’un audio-guide bien ficelé qui nous présente leur parcours et leur quête vers l’abstraction. Calé ou non en art, nous ne pouvons qu’être subjugués par l’exposition et sa disposition.
source : https://www.franceculture.fr/emissions/lart-est-la-matiere/franz-marc-et-august-macke-a-lavant-garde-allemande ↩
L'auteurJohanna Beeckman
Passionnée par l’art et la culture, je désire partager mes coups de coeurs et impressions au grand public. Toujours un livre sous la main, j’aime découvrir de nouvelles cultures et…Johanna Beeckman a rédigé 6 articles sur Karoo.
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