Paper revolution !
le langage visuel
soviétique s’expose
26 juin 2017 par Anita Detières dans Art & ko | temps de lecture: 4 minutes
Après une expo remarquée sur le Bauhaus, le jeune musée ADAM, Art & Design Atomium Museum, ouvert en 2015 au Heysel , remonte une nouvelle fois le temps. Il lève le voile sur un courant artistique russe qui a d’ailleurs inspiré l’école allemande pluridisciplinaire créée à Weimar.
L’expo qui s’est ouverte début juin célèbre un anniversaire : le centenaire de la révolution russe de 2017. Le musée a pour l’occasion prêté ses murs au Musée Design de Moscou et son exposition originale The Paper Revolution ! Soviet Graphic Design and Constructivism [1920 – 1930’s] consacrée à un des courants artistiques de courte durée – dix ans, des années 1920 aux années 1930 – mais qui a laissé une empreinte considérable dans l’histoire de l’art.
Au lendemain de la révolution, le jeune État soviétique développe son propre langage visuel pour diffuser ses nouvelles idées révolutionnaires. Le mouvement constructiviste – inspiré d’autres mouvements artistiques émergents à la même époque comme le dadaïsme, le cubisme ou le futurisme – proclame la mort de toute forme d’art traditionnel. Les préoccupations esthétiques ne comptent plus. Seule la production/construction d’objets et de bâtiments – le fonctionnel – est désormais considérée comme de l’art. Le stade de la réalisation n’étant pas toujours atteint, c’est donc presque exclusivement sur le papier que vont s’inscrire ces nouvelles idées. Affiches, magazines et livres deviennent le principal outil de propagande du nouveau régime politique et le support d’une révolution esthétique qui laisse encore des traces aujourd’hui.

Les artistes développent une typographie minimaliste et ont recours exclusivement à des éléments géométriques comme le cercle, le rectangle et les lignes droites sur fonds monochromes. Autre grande nouveauté qu’on doit au constructivisme russe : le photomontage. Gustav Klutsis deviendra la figure de proue du photomontage politique. Ses images mélangent machines, corps des travailleurs, visage du peuple (avec notamment de nombreuses femmes et enfants) et dirigeants politiques en vue de faire un plaidoyer visuel fort pour la modernisation.

S’il fallait retenir un autre nom au sein de ce mouvement, c’est celui d’Aleksandr Rodchenko (1891-1956), l’un des fondateurs du constructivisme et du design russe et prolifique porte-parole de la révolution à travers plusieurs supports, peinture, sculpture, conception graphique et photographie.
Son premier photomontage publié fut About this, en 1923, pour illustrer un poème de Maïakovski. Rodchenko utilise une image découpée du visage de Lilya Brik, muse de Maïakovski à qui le poème était dédié. Son visage noir et blanc découpé et présenté en gros plan n’est pas sans rappeler la composition des icônes religieuses.

C’est à lui aussi qu’on doit, si pas la plus belle pièce, en tout cas l’une des plus emblématiques de ce mouvement (qui justifie par ailleurs la visite de cette exposition assez peu fournie) : l’affiche « Books in All Fields of Knowledge » conçue en 1924 qui représente une femme appelant le « peuple » à apprendre à lire et écrire. Son message est renforcé par le graphisme et le rouge criant des lettres. Cette affiche a été reprise par de nombreux artistes ultérieurement, notamment les Franz Ferdinand, pour la pochette de son album You Could Have It So Much Better, sorti en 2005.

Preuve parmi d’autre de l’influence de ce mouvement dans l’histoire de l’art, qui inspirera le Bauhaus, dont les références au constructivisme russe sont les plus frappantes, mais aussi l’art abstrait ou encore le pop art et bien sûr la typographie moderne.
En savoir plus...
The Paper Revolution. Soviet Graphic Design and Constructivism
ADAM, Art & Design Atomium Museum
Jusqu’au 8 octobre 2017. Ouvert tous les jours de 10 à 18 heures. Fermeture le mardi.
Infos : www.adamuseum.be.
L'auteurAnita Detières
Anita Detières a rédigé 5 articles sur Karoo.
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