critique &
création culturelle
Sculptures du rêve américain

Pour la première fois en Belgique, Duane Hanson est mis à l’honneur. Le musée d’Ixelles accueille jusqu’au 25 mai les œuvres hyperréalistes du sculpteur américain. Une observation minutieuse de la culture de masse.

De Duane Hanson (1925-1996), vous connaissez peut-être ses sculptures emblématiques, telle sa Supermarket lady ou ses Tourists . Et peut-être, comme l’auteur de ces lignes, vous y avez perçu une représentation du vide existentiel du rêve américain et de ceux qui y adhèrent. Une dénonciation de leur manque d’imagination. Une critique acerbe de leur quotidien figé. Au final, un constat assez proche de celui posé par Michel Houellebecq : « C’est sans doute à tort qu’on soupçonne chez tous les êtres une part de mystère, une fêlure. » Si c’est ce que vous pensez et bien, c’est faux : Duane Hanson est un humaniste.

L’artiste reproduit dans son travail des fragments de réalité, non pas pour juger son sujet, mais pour le mettre en lumière, le déposer sur un piédestal. À défaut de cynisme, son travail est toujours empreint d’une empathie profonde pour ceux qu’il choisit de représenter. « Je crois que la société a besoin d’une réforme ; il n’y a rien d’exaltant pour l’homme moyen. Mon art est pour tous les hommes, il rejoint les gens à travers les musées et les galeries. »
La première partie de sa carrière se caractérise par un engagement évident, avec des œuvres marquées par une forte critique sociétale. Ses thèmes de prédilection : le racisme, la guerre du Vietnam, la violence conjugale, …

Duane Hanson, Abortion, 1965 © VG Bild-Kunst, Bonn, 2013, Courtesy of Institute for Cultural Exchange, SABAM Belgium 2014

Une des œuvres clés de cette période, Abortion , est présente au musée d’Ixelles. Elle dénonce les conséquences désastreuses des avortements illégaux.

1966 sera un tournant : il se lance définitivement dans les sculptures à taille humaine. Il tire de son expérience une technique qui restera inchangée jusqu’à sa mort. Le deuxième étage de l’exposition renseigne sur cette méthode. Des moules sont créés à partir de modèles vivants (le life-casting ). La peau, les veines et leurs imperfections sont conçues avec un mélange de polyester et de fibre de verre. Ensuite s’ajoutent les cheveux et les yeux de verre. C’est cette myriade de détails physiques, ainsi que l’utilisation d’accessoires et de vêtements (parfois ceux portés par le modèle), qui donnent à l’œuvre toute sa force d’évocation hyperréaliste.

Duane Hanson, Queenie II, 1988 © VG Bild-Kunst, Bonn, 2013, Courtesy of Institute for Cultural Exchange, photo-foto Dean Burton, SABAM Belgium 2014

La majeure partie des sculptures présentées pour cette exposition sont issues de cette période. L’individu dans sa solitude devient central. Il est représenté dans sa banalité quotidienne. Presque toutes les œuvres exposées se distinguent par un regard absent, perdu dans le vide. La manifestation d’une douce mélancolie et peut-être d’une amère résignation. Ce regard, c’est le reflet d’une confusion intérieure. Par son travail, Duane Hanson tente de rendre compte de ce malaise, de prouver que la middle class a aussi une âme.

Ce qui peut expliquer l’impression troublante que l’exposition se poursuit une fois sorti du musée…

Même rédacteur·ice :

Sculptures of the American Dream< /em>
Duane Hanson

Jusqu’au 25 mai 2014, au musée d’Ixelles
Gratuit le premier mercredi du mois