Adolescence
Scène culte (44)
Quatre coups de poing en temps réel

Adolescence est une mini-série britannique diffusée sur Netflix en 2025. Quatre épisodes dans lesquels le fond et la forme se répondent pour nous offrir un dialogue à la fois subtil et poignant.
Très souvent, je me retrouve à scroller dans la galerie Netflix sans conviction. Rien ne m’attire, tout se ressemble. Je ne m’attendais donc à rien en lançant Adolescence. Et là, j’ai pris une claque. Cette mini-série se décline en quatre épisodes de près d’une heure. Chaque épisode est réalisé en un seul et unique plan séquence. Ici, pas d’artifices cinématographiques, il s’agit de vrais plans-séquences, une prouesse technique dont je vous invite à découvrir les secrets dans le making of. Le scénario, quant à lui, nous plonge dans un drame familial et sociétal qui ne laisse aucune échappatoire. La technique, l’écriture, le jeu des acteur·rices, le rythme : tout y est. Pour cet article au format Scène Culte, je vous livre ce qui, pour moi, pourrait le devenir dans chacune des quatre séquences.
Épisode 1 – La tyrannie du temps réel
Filmé en temps réel, l’épisode s’ouvre sur l’arrestation, aux petites heures du matin, du jeune Jamie Miller, incarné par un surprenant Owen Cooper. Le choix du plan-séquence prend immédiatement tout son sens. Chaque seconde compte. On est au plus près de l’action, et l’intensité est telle que je me surprends à retenir mon souffle. Quand un personnage demande l’heure, on réalise qu’il ne s’est écoulé que vingt minutes. On vit chaque instant, sans filtre. Ça nous colle à la peau.

Épisode 2 – Une langue codée, un mur opaque
On connaît la fracture numérique des générations qui n’en maîtrisent pas les outils. Ici, c’est une autre faille : celle qui sépare parents et enfants dans la compréhension d’un langage. Les emojis, minuscules et colorés, deviennent vecteurs d’émotions, de menaces, de harcèlement. On ressent l’impuissance aveugle des adultes face à ce mur opaque, cruel, où l’innocence apparente peut dissimuler un vrai danger.
Épisode 3 – Le dévoilement de l’obscur
Le troisième épisode est une leçon en termes d’écriture et de jeu. Le personnage de Jamie Miller s’y dévoile par touches infimes : chaque mot, chaque regard, chaque silence affine le portrait troublant du jeune accusé. Dans ce champ-contrechamp avec la psychologue Briony Ariston (Erin Doherty), l’intensité est à la hauteur de ces rencontres cultes de l’histoire du cinéma. À ceci près qu’il s’agit ici d’acteur·rices peu ou pas connus (il s’agit du premier rôle d’Owen Cooper, âgé de 15 ans lors du tournage). Ce qui est d’autant plus impressionnant.

Épisode 4 – La frontière de l’intime
Puis vient l’épisode 4, qui lève le voile sur l’intimité des parents. Leur chambre devient le théâtre de leur douleur, de leur honte, de leurs peurs. La caméra franchit la frontière de l’intime sans jamais tomber dans le voyeurisme, avec ingéniosité et délicatesse. On assiste à la construction de leur récit, à l’assimilation de leurs responsabilités, et surtout à la façon dont ils apprennent à vivre avec ce fardeau pour continuer à avancer. C’est profondément humain, bouleversant, et d’une pudeur infinie.
On entre dans ce récit comme un bélier de police dans une porte. Quatre épisodes plus tard, on en ressort à pas feutrés, avec le sentiment d’avoir assisté à quelque chose de marquant, peut-être même de culte.