Alexandre Pouchkine
Il y a de ces classiques que chaque nouvelle édition encourage à relire, toujours avec le même entrain, chaque fois récompensé par le génie du texte. La Dame de pique de Pouchkine est assurément de ceux-là. Lorsque s’y ajoute l’intérêt majeur d’une nouvelle traduction par André Markowicz, l’enthousiasme se conjugue à l’impératif !
Deux idées fixes ne peuvent pas exister ensemble dans une nature morale, de même que deux corps ne peuvent pas occuper la même place dans le monde physique.
S’il est un classique de la littérature russe, c’est bien la Dame de pique d’Alexandre Pouchkine , peut-être le premier des grands auteurs slaves. Une nouvelle fois réédité, il s’avère toujours aussi surprenant. Car c’est André Markowicz qui nous le fait redécouvrir, gageure pour cette œuvre qu’on ne peut pourtant pas oublier si aisément. Cette sensation d’une lecture inédite provient bien sûr de la traduction, mais aussi des commentaires de Markowicz, qui nous éclairent tant sur les termes du jeu de cartes que sur les subtilités d’une langue qui, mal comprise ou interprétée gauchement, risquerait d’entraîner des malentendus et de perdre le lecteur contemporain francophone.
Ce que cette édition met notamment en relief, c’est la francophilie d’Alexandre Pouchkine — et de la Russie de l’époque en général. En témoignent par exemple les épigraphes en français dans le texte d’origine ou encore la comparaison d’un des personnages principaux avec Napoléon. Très admiratif de Racine ou de Molière, Pouchkine opère dans cette magnifique nouvelle rien de moins qu’un renouvellement de sa langue maternelle
L’histoire débute lors d’une soirée de « pharaon ». De ce jeu de cartes en vogue à la cour de Versailles, Pouchkine va faire le centre de gravité de sa nouvelle.
En ce temps, les dames jouaient au pharaon. Un soir, à la cour, ma grand-mère, jouant contre le duc d’Orléans, perdit sur parole une somme considérable.
Il se trouve que la comtesse Anna Fedotovna posséderait une stratégie pour gagner à tout coup à ce jeu. Et c’est dans la recherche de ce fameux secret que va se jeter résolument le jeune Hermann. Prêt à tout pour mettre la main sur cette martingale, il ira jusqu’à convoiter une des femmes de chambre de la vieille comtesse et n’hésitera pas à mettre certaines vies en péril. Lizavéta Ivanovna, croyant ce jeune homme sincèrement attaché à elle, va tout doucement se prendre au jeu et s’abandonner à ce militaire dénué de morale.
La fin est aussi romanesque que le fut la vie de Pouchkine. On sait en effet que celui-ci mourut à la suite d’un duel contre un noble français qu’il jugeait trop empressé auprès de son épouse. Pouchkine répondit dans sa vie à la question posée par ses livres, laissant un témoignage vibrant qui nous interpelle encore aujourd’hui : jusqu’où aller pour accomplir son destin ?
Cet article est précédemment paru dans la revue Indications n o 392.