L’artiste bruxellois Stephan Balleux conçoit une exposition sur-mesure pour la fondation Blan qui vient tout juste d’ouvrir ses portes. Avec Artificialia , à voir jusqu’au 1er juillet, il propose une collection d'œuvres graphiques et de sculptures qui stimulent notre imagination et nous impressionnent par la technique.
Il est assez difficile d’aborder la visite de Artificialia sans revenir sur l’architecture du bâtiment qui l’abrite. Cet environnement atypique n’est ni un musée, ni une galerie, mais plutôt pensé comme une habitation. Ainsi on parcourt les couloirs du sous-sol avec ses éléments techniques visibles et ce qui semble être la cuisine de cet hôtel particulier du début du XXème siècle imposant et luxueux. Le couloir par lequel on circule est recouvert de toiles assez étonnantes. Balleux maîtrise parfaitement son médium, la peinture, et produit des images intrigantes. Il s’est par ailleurs formé à l'école des Beaux-Arts de Bruxelles où il est devenu professeur en 2013.
Un concept freudien m’est revenu en observant son travail, celui de « l’inquiétante étrangeté ». On y perçoit des images qui nous semblent familières, comme des intérieurs d’habitations mais des formes surnaturelles ou inhabituelles viennent s’immiscer dans le paysage, comme cette gravure d’intérieur bourgeois où un nuage prend vie, ou les portraits dont les visages disparaissent sous des formes organiques. On trouve également certaines toiles qui ressemblent à des viscères mais dans lesquelles l’on peut également voir des lettres manuscrites.
Dans ce grand espace divisé en petites pièces, on note par exemple la cave à vin où les tableaux prennent place dans de petites niches. Ces toiles, qui semblent se référer aux thèmes de la famille, de l’héritage et du souvenir résonnent d’une façon particulière dans ces espaces exigus et nous plongent dans une atmosphère intime.
Dans la cave, l'artiste dispose dans des vitrines des artéfacts de toutes sortes : des moulages de plâtre, des gravures… Parfois le lien entre ces objets n’est pas évident, mais, comme dans le cabinet de curiosité, les pièces sont hétéroclites. Le titre de l'exposition, Artificialia, fait d’ailleurs référence aux objets des cabinets de curiosité fait par la main de l’Homme par opposition à ceux dit de type naturalia , qui désigne les curiosités qui sont le produit de la nature.
À la fin de la première partie de l’exposition, on retrouve dans le dernier espace une sculpture rappelant les formes organiques qui habitent les tableaux de Balleux. Il s'agit d'une pièce de résine recouverte de feuilles d’argent : elle ressemble à un grand miroir baroque dans lequel il est presque impossible d’y voir son reflet. Avec cette œuvre, l’artiste crée un contraste avec une partie du bâtiment qui est encore brute et en travaux. L'artiste joue avec les associations incongrues et nous surprend.
Au premier étage, on retrouve en revanche des espaces de réception bourgeois beaucoup plus vastes, à l’instar de la taille des toiles exposées. Le sous-sol avait quelque chose de parfois inquiétant mais ici, l’espace d’exposition se veut plus conventionnel avec de larges murs peints en blanc. Nous avons également tout le loisir de nous installer pour observer longuement les œuvres. À cet étage, une œuvre m’a plus particulièrement touchée. Il s’agit de la première création qui se trouve en face de nous en montant l’escalier cossu de l’hôtel particulier. Cette toile présente elle-même un escalier qui ressemble étrangement à celui que l’on vient de parcourir. Cette mise en abyme est assez troublante, et fait partie d’une série où l’artiste a peint des nuages sur des images provenant d’anciens portfolios d’architecture dont on peut voir une partie au sous-sol.
En intégrant le symbole du nuage, il invite le rêve et le mouvement dans des intérieurs bourgeois inertes et s’inscrit dans une iconographie surréaliste qui n’est pas sans rappeler Magritte, qui l’utilisait de manière récurrente dans ses toiles.
Cette exposition suggère une réflexion sur la frontière entre la réalité et l'illusion. C'est une invitation à remettre en question les apparences et à explorer la capacité de l'art à stimuler notre imagination.
En somme, Artificialia met en valeur les différentes façons dont l’artiste utilise les médiums pour créer des œuvres qui interrogent notre perception de la réalité mais aussi notre rapport au temps, comme on a pu le voir avec les portraits de la première partie où les visages disparaissent comme de vieux souvenirs.
D’autre part, la fondation blan accueillera bientôt des résidences d’artistes et des évènements culturels de tout genre.