Reportée les mois précédents pour cause de confinement, la pièce Auteur inconnu, conçue par Anaïs Moreau, qu’elle interprète en compagnie de Renaud Garnier-Fourniguet, se joue à la Balsamine jusqu’au 22 septembre 2021. Revenant sur plusieurs viols dont la comédienne et metteuse en scène a été victime, le spectacle tente de tisser un lien entre intimité, art et politique.
NOTE DE LA RÉDACTION : Cet article porte sur une représentation exceptionnelle à destination de la presse, proposée en mars 2021, alors que les théâtres sont fermés au public. Le but de cette représentation était de donner un aperçu à une poignée de journalistes des pièces qui ont dû être reprogrammées à cause de l’épidémie et de la fermeture des lieux de spectacle. Les conditions dans lesquelles cette critique est rédigée sont donc tout à fait exceptionnelles, et induisent une expérience bien différente pour le spectateur. Karoo a conservé ici les impressions inédites de sa rédactrice, Pauline Wouters. Il est toutefois important de noter que la majorité des représentations proposées par la Balsamine pour
Auteur inconnu
sont encadrées d’un débat après spectacle. Ces échanges font intervenir divers professionnels sur la question sensible des violences sexuelles. Pour plus d’informations :
https://www.balsamine.be/saison-21-22/auteur-inconnu.html
Trigger warning : la pièce, et en partie cet article, traitent du viol, de violences sexuelles et psychologiques. Si vous êtes sensibles à ces sujets ou que vous avez vous-mêmes été victimes de viol ou de violences sexuelles ou psychologiques, ce spectacle et cet article peuvent vous heurter. Si vous cherchez de l’aide, vous pouvez vous rendre sur https://www.sosviol.be/ ou https://www.ecouteviolencesconjugales.be/ .
À propos de ce texte…
Avant toute chose, il me semble essentiel d’introduire ce texte compte tenu de son sujet particulièrement sensible. Lorsqu’il s’agit de mettre des mots sur des traumas, la question se pose d’emblée : comment en parler ? Plus encore, comment critiquer, écrire sur un vécu traumatique qui n’est pas le nôtre ? Peut -on même en parler si nous ne sommes pas concerné.e.s ? Sommes-nous légitimes ? Ce texte ne se veut pas être une réponse à une question aussi importante. De telles interrogations ne peuvent être résolues ici, en quelques lignes, car elles nécessitent des débats éclairés, documentés, développés. Cependant, je peux et je dois évoquer pourquoi je décide tout de même d’écrire sur ce spectacle-ci en particulier.
Premièrement, l’invitation du théâtre et de l’équipe, à une petite dizaine de critiques et moi (les seuls présents dans la salle compte-tenu des conditions sanitaires actuelles), semble témoigner du fait que les artistes désirent entendre des retours extérieurs sur leur travail. Un regard à la fois distant mais éclairé sur leur pratique artistique, mis en place par des pairs qui n’en sont pas tout à fait. C’est donc cela que je vais tenter de faire ici, rendre compte du spectacle en argumentant, en décrivant mon expérience de spectatrice face à un objet artistique décrit et proposé comme tel.
Deuxièmement, parler de violences sexuelles sur scène implique une prise de parole publique sur ces sujets. Or, le fait d’être concerné.e par ces traumas n’exclut pas de se renseigner sur la question, notamment sur la manière dont il est admis de parler de ces sujets, ou en tout cas de les présenter, de créer une safe zone pour les personnes présentes dans la salle ayant peut-être également vécu des expériences similaires, etc. Construire une œuvre sur un sujet aussi difficile nécessite une prise de conscience politique. J’essayerai donc d’aborder le spectacle également en cela qu’il est, qu’il le veuille ou non, une œuvre politique.
Autrement dit, plus que d’écrire sur le trauma d’une autre, j’essayerai de mettre des mots sur l’expérience théâtrale à laquelle j’ai assisté (expérience exceptionnelle de par son public constitué exclusivement de critiques et de par son caractère « d’avant-première ») et sur la manière dont le spectacle se construit politiquement autour de cette expérience intime. Ce texte portera donc sur l’intimité en tant qu’elle est artistique et politique. Je resterai cependant ouverte à toute critique concernant cet article (vous pouvez par exemple l’exprimer en commentaire) voire au retrait de celui-ci de la plateforme s’il est jugé déplacé par des personnes concernées, à qui il est urgent d’accorder la parole et du crédit.
Entre réalité et fiction
Comme je l’ai déjà évoqué, le spectacle se construit sur des expériences personnelles, intimes, qu’a réellement vécues la comédienne présente sur scène. L’aspect autobiographique de la pièce lui confère donc d’emblée une forme de réalisme, de proximité avec le réel. Cela est accentué par la scénographie : les objets et le mobilier semblent sortir de notre quotidien, on reconnait tantôt un cabinet de médecin, tantôt un salon. De plus, il n’y a pratiquement pas de musique ou de sons à part ceux qui émanent réellement du plateau.
Cela étant dit, Auteur inconnu revêt également un caractère davantage fictionnel. En effet, le sol est jonché d’une fine couche de sable, les meubles sont étrangement espacés les uns des autres, ils ne sont donc pas positionnés comme ils le seraient dans la vie de tous les jours. Le canapé du psychologue est par exemple très éloigné et très en arrière par rapport à celui de la comédienne, et le meuble radio semble perdu dans un coin de la scène. Cet aspect non-réaliste ou peu naturel se remarque également dans les lumières (parfois roses ou bleues) et dans le jeu des comédien.nes : les mots sont étrangement trop articulés, on sent que les voix sont portées, les émotions sont accompagnées de gestes calculés (quand l’une est énervée, elle jette un objet, quand l’autre s’emporte il lève les bras en l’air). La fiction est d’ailleurs pleinement assumée par quelques considérations métathéâtrales : le personnage principal évoque qu’elle est comédienne, affirme qu’elle travaille sur un spectacle, une voix off explique comment aurait dû être la scénographie, etc.
Peut-être est-ce parce que la comédienne met en scène sa propre expérience que ce détour par la fiction lui a été nécessaire, qu’il constitue une forme de rempart pour lui permettre de parler de ses traumatismes. Cependant, le caractère faux et surjoué du spectacle amenuise l’aspect extrêmement personnel et autobiographique du sujet traité. En tant que spectateur.ice, il est dès lors difficile de comprendre ce que la comédienne a pu vivre tant les couches de travail sont visibles et rendent opaques les émotions véritables dont il est question dans la pièce. On aperçoit davantage des comédien.nes jouant sur scène des personnages quelque peu stéréotypés que des êtres traversés d’émotions compliquées, nuancées ; les meubles sont davantage perçus comme placés sur scène que comme s’agençant naturellement dans un salon ou un cabinet.
Évolution non linéaire
Le spectacle se construit également autour de la reconstruction psychologique personnelle de la comédienne. On suit donc l’évolution de sa pensée, de ses déplacements, de ses actions. Cette évolution psychologique suit une temporalité (la première scène évoque sa première consultation chez un psychologue et la dernière son retour sur les lieux du viol, des années après) et est liée à des déplacements spatiaux (chez le psy, chez elle, au commissariat, chez sa mère, chez un praticien de l’hypnose, sur les lieux du viol). Ces déplacements laissent d’ailleurs des traces sur le sol sablé, et la fin de la pièce est marquée par l’aspiration du sable, la fin de ce cheminement. Le parcours de la comédienne se remarque également au niveau de l’évolution de ses tenues : dans chaque scène ou presque, elle change de vêtements et elle finira le spectacle vêtue comme une aventurière, une voyageuse intrépide, ce qui va dans le sens d’un parcours, d’une quête (évoquée d’ailleurs par le deuxième comédien), d’une avancée vers quelque chose qui constituerait un but.
Mais cette évolution n’est pas pour autant linéaire, les actions ne se suivent pas forcément pour arriver à une fin, ce qui rend parfois le déroulement de ces actions difficile à saisir, tout comme, de manière plus problématique, le cheminement de la pensée de la comédienne, et donc le sens du spectacle. Par exemple, elle évoque le fait qu’elle n’arrive pas à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu, mais pratiquement dès qu’elle arrive sur scène, elle emploie le mot « viol » et est dans une position de distance par rapport à ce qu’elle a vécu (elle dit par exemple « Je m’entends répondre : tout va bien »). Semble alors se confondre la comédienne telle qu’elle est au moment où nous la voyons sur scène (elle parle explicitement de son viol, elle est arrivée au terme d’un cheminement visant à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu et à se considérer comme victime et pas comme coupable) et le personnage d’elle-même au début de son processus de reconstruction (qui éprouve des difficultés à raconter ce qui lui est arrivé, qui se considère comme coupable).
Il est difficile de déterminer si ce parcours lui apprend progressivement des choses sur elle-même (ce qui est soutenu par la forme évolutive de la pièce et qu’elle évoque explicitement : « je suis reconstruite ») ou si elle n’a pas réellement avancé, qu’elle ne sait toujours pas mettre de mot sur ce qu’elle a vécu, qu’elle a toujours un sentiment de culpabilité (mais c’est quelque peu désamorcé par le fait qu’elle arrive à mettre des mots sur ce qu’elle a vécu et à replacer la culpabilité sur le violeur). Tout au long de la pièce, les propos concernant sa culpabilité (« Je dis oui parce que c’est à cause de moi que ça ne va pas ») se mêlent avec une dénonciation explicite des violeurs (« LUI, LE VIOLEUR ! »), oscillation constante qui rend le propos obscur pour quelqu’un qui serait confronté pour la première fois au récit d’un viol.
Cette oscillation est peut-être une manière d’exprimer que ce processus de reconstruction personnel est long et peut-être sans fin (la comédienne finit d’ailleurs la pièce en disant « ça finit comme ça alors ? Juste comme ça ? » et en portant toujours sur les épaules, sous forme d’un sac à dos, le poids de son expérience traumatisante). Mais ce questionnement ne peut se passer d’une prise de position claire sur les individus considérés ici : l’une est une victime non-coupable, l’autre un violeur coupable. La forme de la pièce constitue donc un risque de mauvaise compréhension du fond pourtant complexe et dont il est important de saisir les enjeux.
Se raconter à autrui
Une part importante du travail artistique d’Anaïs Moreau concerne la manière dont elle a mis des mots sur ce qu’elle a vécu. Formuler son expérience à elle-même mais aussi aux autres, joués par Renaud Garnier-Fourniguet. Elle est donc tantôt confrontée à un psychologue, à un conjoint, à un policier, à sa mère, à un praticien de l’hypnose. La question du corporel et du psychologique, fondamentalement liée à l’expérience d’un viol, est donc traitée tout au long du spectacle via différentes figures de professionnels de la santé : elle évoque qu’elle a des problèmes de bassin et d’articulations, qu’elle a été plongée dans le coma, qu’elle a du mal à parler, etc.
C’est également la question de la parole, de la formulation d’un ressenti traumatique dont il est question, ou, plus précisément, de la difficulté à s’exprimer face à autrui, et, à l’inverse, la difficulté d’écouter, de comprendre, de soutenir, d’encadrer. Plusieurs scènes témoignent de cette relation : le policier pose des questions comme un ordinateur, le psychologue pense à son argent, etc. Cela amène à réfléchir sur le manque de tact de certains professionnels qui soignent pourtant des traumatismes graves, dont les méthodes datent d’un autre temps ou qui sont pris dans un système qui ne permet pas de faire preuve de bienveillance, d’altruisme, de tact, de compréhension.
Parler de viol ne peut en effet se passer d’un questionnement sur la relation de la victime à la parole et à autrui (qu’il soit professionnel ou non). Mais ces autres auxquels s’adresse la comédienne sur scène, sont ici en partie construits comme des personnages peu sérieux, ridicules, excentriques, « dingues » et aux comportements stéréotypés. Cette manière de rire du manque de bienveillance d’autrui minimise ce qui peut être perçu par des victimes comme un second trauma. Il arrive régulièrement que cette confrontation mène la victime à se sentir coupable de n’avoir rien dit, de n’avoir pas réagi, etc. Rire de ces personnages invite, de manière consciente ou non, à atténuer le trauma que ces interactions peuvent engendrer et tend donc à reproduire ces dynamiques alors même que le spectacle tente sans doute de les dénoncer.
D’autre part, cet accès à des professionnels de santé n’est pas évident pour tous.tes notamment parce qu’il s’agit de services souvent payants et chers (ce qui est également source de blague dans le spectacle). Rire du prix des professionnels de santé, c’est faire abstraction des victimes qui ne peuvent pas imaginer se tourner vers un professionnel (notons cependant qu’il existe des planning familiaux et centres spécialisés gratuits mais dont les files d’attente sont parfois longues).
Par ailleurs, la plupart des professionnels présentés sur scène ont généralement des idées qui permettent de faire avancer la comédienne-personnage dans sa reconstruction. Rire de ces personnages revient donc en partie à ne pas prendre au sérieux leurs conseils, leur importance dans le processus médical de la patiente, alors même que beaucoup de victimes éprouvent des difficultés à se tourner vers des professionnels, à leur faire confiance (ou ne peuvent simplement pas pour des raisons matérielles ou autres). Ces professionnels peuvent pourtant, pour certains et dans une certaine mesure, participer au rétablissement des victimes.
Rapport de sexe et sexualité
Les viols dont a été victime Anaïs Moreau ont été perpétrés par des hommes, ce qui ancre cette expérience dans des relations de domination des hommes sur les femmes, dont traite également Auteur inconnu. Cette forme de domination se remarque à tous les niveaux de la société et c’est pourquoi la comédienne y est confrontée tout au long du spectacle ; tous les autres personnages présents sur le plateau (à part elle et sa mère dans une certaine mesure) sont des hommes. Raconter son histoire, c’est donc être confrontée à nouveau à son oppresseur. Bien qu’elle ne les nomme pas, ce sont bel et bien le patriarcat et la culture du viol qui sont ici pointés du doigt. Le viol, plus qu’une histoire intime, est de l’ordre du politique.
De plus, la comédienne s’interroge sur ces relations de domination en tant qu’elles sont sexuelles, supposant notamment que la femme doit assouvir les besoins des hommes quand ceux-ci le désirent. Tantôt elle explique par exemple qu’elle veut être une « bonne » fille et arriver à leur donner ce qu’ils souhaitent, tantôt elle se rend compte qu’elle n’a jamais réellement eu du plaisir contrairement à ses partenaires qui jouissent d’elle.
De nouveau, un spectacle portant sur le viol ne peut se passer d’une réflexion sur ces relations de domination et leur rapport au sexe et à la sexualité. Cependant, la metteuse en scène semble osciller entre sexisme intériorisé et prise de conscience de ces mécanismes sexistes. Par exemple, la mère est jouée par un homme réellement déguisé en femme, en portant tous les stéréotypes : cheveux blonds, chemise rose, posture efféminée, peureuse, excentrique, en train de repasser le linge. Le spectacle oscille également entre réflexion sur la sexualité et clichés majoritairement admis. Par exemple, lorsqu’elle explique qu’elle n’a jamais vraiment fait l’amour puisqu’elle n’a jamais « connu la jouissance », cela sous-entend que faire l’amour en ayant du plaisir revient à jouir, à « atteindre l’orgasme ». Or l’un n’implique pas l’autre et il existe certainement autant de manières de faire l’amour que de personnes qui ont une activité sexuelle.
Racisme
Finalement, la question de la race (comprendre ici la race comme désignation culturelle visant certains groupes dans une démarche de stigmatisation) est évoquée à une reprise dans le spectacle. La comédienne, dans l’une de ses tirades, évoque le fait que son violeur était tunisien et que le père de celui-ci était un bandit. Cette information n’est pas expliquée, mise en lien avec un quelconque raisonnement. Autrement dit, le spectateur apprend simplement que le violeur était racisé. Cette évocation est donc hautement problématique puisqu’elle crée un lien direct entre une origine et un viol, d’autant plus que les personnes arabes sont aujourd’hui extrêmement stigmatisées, perçues comme dangereuses notamment pour les femmes. Comment, du reste, ne pas se questionner sur cet évocation lorsque, lors de cette représentation, la majorité de la salle est blanche et que les vitres de la Balsamine nous séparent littéralement des personnes, majoritairement racisées, du quartier, présentes à quelques mètres de nous et pourtant reléguées à l’extérieur du théâtre ?
Pour résumer…
Pour résumer, parler du viol est une entreprise délicate, sensible et complexe. La complexité d’une telle démarche tient notamment au fait que le viol est une expérience difficile à décrire, dont il n’est pas aisé de parler, oscillant entre une chose et son contraire, vécue de manière différente en fonction de chacun.e mais qui touche en même temps à des mécanismes de domination présents à tous les niveaux de la société, à la construction de la sexualité et des rôles de genre notamment. Tous ces éléments ont été évoqués d’une façon ou d’une autre dans le spectacle, ce qui montre qu’il y a là une volonté de réfléchir fondamentalement sur le viol, à la fois en tant qu’expérience personnelle mais également en tant que révélateur d’autres dynamiques sociales. On peut également souligner le courage qu’il a dû falloir à la comédienne pour se replonger dans cette expérience intime difficile pendant plusieurs mois et l’exposer sur scène, devant un public.
Cela étant dit, j’ai essayé de montrer en quoi beaucoup des sujets traités dans la pièce comportaient des incohérences voire, pire, des affirmations problématiques, en particulier pour des personnes non-familières avec les notions de viol, de culpabilité, de consentement, de sexualité, de sexisme, de racisme, etc. ou des personnes ayant elles-mêmes vécues des situations similaires. Cela amène parfois la pièce à reproduire des mécanismes qu’elle tente pourtant de dénoncer. Par ailleurs, rien n’a été mis en place pour encadrer les personnes présentes dans la salle qui auraient vécus elles-mêmes certains des traumatismes décrits par Anaïs Moreau. Que ce soit au niveau de l’accueil (pas de trigger warning ) ou du spectacle même (on parle de viol très crûment et rapidement, le coupable n’est pas toujours décrit clairement comme étant le violeur, etc.).
Peut-être aurait-il fallu choisir l’un des prismes évoqués ci-dessus et le développer, le baser sur des lectures théoriques, des textes engagés, penser plus fondamentalement la cohérence du propos et des dialogues, l’évolution de la narration, etc. Cette recherche sur le fond ne peut d’ailleurs se passer d’une recherche formelle qui le soutient, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un sujet comme celui-ci. Autrement dit le choix d’un prisme, le développement du fond, de la forme et de la cohérence (permettant de créer un chemin dans lequel orienter le ou la spectateur.ice) manque véritablement au spectacle Auteur inconnu , qui ne parvient dès lors pas, selon moi, à lier intimité, art et politique.