Bela connecte les auteurs
Vous êtes désireux de ne rien manquer de l’actualité littéraire de Caroline Lamarche ? Vous avez envie de connaître les réflexions intimes de Rossano Rosi, Carl Roosens et Patrick Weber sur leur métier d’auteur ? Vous vous demandez si la création belge francophone est bien vivante, et vous ne savez pas où chercher ? Pas de panique : la Bibliothèque en ligne des auteurs (Bela) est là pour ça.
Lancé il y a dix ans par deux sociétés d’auteurs (la SACD et la SCAM Belgique), soutenu depuis 2007 par la Fédération Wallonie-Bruxelles, Bela est un site Internet d’information et d’expression multidisciplinaire orienté vers l’écriture dans toutes ses dimensions, qu’elle soit littéraire, cinématographique, radiophonique ou bédéesque. Ce qui n’était au départ qu’une sorte d’annuaire enrichi des auteurs est devenu, dans la période récente, un espace de création à part entière. Cerise sur le gâteau : Bela n’est pas tombé pas dans le piège de la déclinaison en ligne de contenus d’abord conçus pour le papier mais a préféré s’attaquer à d’autres formes d’écriture, comme les billets et les feuilletons, plus adaptées au web. Et par un curieux retournement de situation, une partie de ces textes se retrouve aujourd’hui… publiée au format papier en coédition avec La Muette ! Une fois n’est pas coutume, le papier court après le numérique et non l’inverse.
Pour en savoir un peu plus sur cette initiative originale, nous avons rencontré les deux responsables du site, Maud Joiret et Thomas Depryck , à la Maison des auteurs à Bruxelles.
La trajectoire du site
Thomas Depryck : Bela a été créé en 2002 par la SACD et la SCAM, avec pour but de proposer un service aux auteurs. Nous recevons beaucoup d’informations des auteurs sur leurs œuvres et sur leur carrière, informations qui alimentent nos bases de données, et nous voulions les mettre en valeur sur Internet. L’idée était que chaque auteur puisse avoir une visibilité numérique, une sorte de carte de visite électronique, en disposant de sa propre fiche sur le site, ce qui était assez inédit pour l’époque.
À partir de 2007, on a été subventionné par la Communauté française. Ça a été un changement important. D’un coup, on est devenu un portail pour tous les auteurs et non plus pour les seuls adhérents. Le site présentait des biographies, des photos, des actualités, etc. On s’est mis à faire de la vente d’œuvres en ligne, mais aussi de l’édition. On a diffusé des textes édités par certains de nos partenaires (Lansman, Marginales, etc.), ou par Bela, en version numérique, mais ça n’a pas tellement fonctionné, on a eu peu de téléchargements. C’était sans doute trop tôt, bien avant l’élan numérique actuel.
En 2009-2010, nous avons lancé une nouvelle version du site. On voulait aller plus loin et faire quelque chose avec un ton, une identité, proposer des formes nouvelles. Désormais, chaque auteur qui a une fiche sur Bela peut ouvrir un microblog et y mettre ce qu’il veut. Nous, par ailleurs, on fait des commandes de feuilletons et de billets. On réalise parfois des interviews. L’idée est d’enrichir la base de données et de créer un laboratoire d’expression à la fois sur le métier d’auteur et sur la manière d’écrire.
Les auteurs
Maud Joiret : Les auteurs s’investissent à notre initiative, puisqu’on leur passe commande. Mais de plus en plus souvent, ce sont eux qui nous sollicitent spontanément. Ça fait presque trois ans qu’on a lancé une nouvelle version du site, et les auteurs nous connaissent bien désormais. La bonne parole se répand !
Thomas Depryck : Je ne sais pas s’il y avait une méfiance — publier un texte sur la toile n’était pas encore tout à fait « dans les mœurs » des auteurs — mais au début ce n’était pas toujours évident d’avoir des textes. C’est moins le cas maintenant. Nous recevons régulièrement des propositions d’auteurs de toutes les générations, ce qui nous réjouit.
Les feuilletons
Thomas Depryck : Le feuilleton, on l’a vraiment envisagé comme un laboratoire d’écriture. On avait là une forme qui était a priori un peu désuète et qu’on a voulu raviver sur Internet.
Maud Joiret : On s’est dit que la formule du feuilleton était une bonne idée, parce que ça revenait dans l’air du temps et que ça permettait de diffuser un épisode de 1 500 à 2 500 signes, de semaine en semaine, quelque chose d’assez lisible et qui évitait de se lasser de l’écran d’ordinateur ou de la tablette.
Depuis 2010, on a diffusé sur Bela plusieurs feuilletons inédits. Majoritairement, nous sollicitons les auteurs, mais parfois certains viennent vers nous avec des propositions et nous choisissons. Pour cela, on se base sur l’actualité, sur la qualité littéraire, mais aussi et avant tout sur nos coups de cœur, comme Véronique Bergen. On fait aussi attention à proposer un éventail d’auteurs assez différents. En général, ils se prennent au jeu. Bela fonctionne comme un laboratoire, une tentative, une expérience, et ça leur permet de se libérer.
Le passage au papier
Maud Joiret : En deux ans, on a constitué une réserve d’une quinzaine de feuilletons. On s’est rendu compte que les internautes ne venaient pas tellement consulter les anciens textes, que ceux-ci dormaient sur le site. Du coup, avec Bruno Wajskop des éditions belges La Muette, on a décidé de leur donner une seconde vie. On a sélectionné huit feuilletons et on a fait le choix d’une double publication, avec d’une part une version numérique vendue en ligne, et d’autre part une version papier, les deux augmentées par des photos d’Alice Piemme qui a réalisé un portrait de chaque auteur à côté d’une œuvre d’art contemporain. L’ouvrage est sorti à l’occasion de la Foire du livre de Bruxelles, et il est maintenant disponible en librairie. C’est le premier qu’on publie, mais le premier d’une longue série — bien sûr ! — d’autant qu’on continue, de notre côté, à diffuser en ligne chaque semaine un nouvel épisode de feuilleton.
Les billets
Maud Joiret : Chaque auteur qui a une fiche sur Bela peut aussi créer son microblog. Nous passons commande auprès de certains d’entre eux pour qu’ils écrivent une série de quatre à cinq billets sur le métier d’auteur. Ils parlent de leurs expériences en résidence, de leurs déboires avec des maisons d’édition, du processus d’écriture d’un scénario ou de réalisation d’un film, de leurs sources d’inspiration… Ce qui donne une très riche réserve de témoignages singuliers, éclairés par des voix et des tons différents. Les auteurs sont libres, on n’impose rien, on n’a jamais censuré un billet. C’est d’ailleurs arrivé qu’une auteure nous critique et qu’on publie son texte (en même temps, elle avait raison… !).
Les apéros du numérique
Thomas Depryck : C’est une initiative de Bela en collaboration avec le PILEn (Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique). L’idée est d’amener une réflexion et un dialogue entre les auteurs, leurs partenaires et les amateurs autour de l’utilisation des nouvelles technologies dans la création. On a organisé deux apéros jusqu’à présent. Une première soirée a été consacrée à une rencontre entre des auteurs, des éditeurs et un libraire autour des enjeux du numérique dans le monde du livre. Une deuxième soirée était consacrée à l’autoédition. Nous préparons un troisième apéro pour le mois de juin, dont le sujet sera le transmédia.
L’objectif des sociétés d’auteurs
Thomas Depryck : Bela, c’est un service ouvert à tous les auteurs francophones de Belgique (et pas seulement à ceux de la SACD et de la SCAM). On leur propose une plateforme de promotion, d’édition et de réflexion par rapport aux thématiques de la création. On essaie également de se faire l’écho des combats qu’ils mènent.
Maud Joiret : On se positionne comme un acteur culturel qui diffuse de l’information, commande des textes et s’efforce de faire participer les auteurs à des événements et de leur proposer des rencontres professionnelles ou promotionnelles pertinentes. C’est plus qu’un site, c’est un projet de promotion et de défense des écritures belges francophones.