Beyrouth
Cet article est la suite de Beyrouth, le Phénix du Couchant . Retrouvez également le reportage photographique complet qui accompagne cet article dans la galerie Karoo .
Figure de proue de la culture arabe et véritable pont entre l’Occident et le Moyen-Orient, le Liban s’est affirmé depuis très longtemps comme un lieu de référence mondiale pour le développement des arts. Les différents interlocuteurs rencontrés au cours de ce voyage se sont accordés à dire que, même en temps de guerre, la vie culturelle ne s’est jamais vraiment arrêtée à Beyrouth . Mayaline Hage, chanteuse du groupe Lumi illustrait cette pensée avec cet exemple : « Pendant la guerre de l’été 2006 [entre Israël et le Hezbollah], nous avons écrit Not Our War alors que l’armée israélienne bombardait Beyrouth. Les sessions d’enregistrement de notre premier EP ont été réalisées en plein conflit. »
Au-delà de la simple survie, la scène culturelle s’est même maintenue et développée. Le livre Untitled Tracks : On Alternative Music in Beirut rend d’ailleurs hommage à la scène musicale alternative qui, née à l’époque des conflits, a su puiser ses forces dans une rage créatrice à l’image du peuple libanais.
Malgré une économie toujours chancelante, saturée par l’afflux de réfugiés syriens (en janvier de cette année, le nombre symbolique du million de réfugiés pour quatre millions d’habitants était franchi) et la menace constante des attentats liés à ce conflit, la vie nocturne bat encore son plein à Beyrouth. Tous les jours de la semaine. Nagi, architecte et hôte à Beyrouth, considère que ce mode de vie est lié au fait que « tout peut s’arrêter d’un moment à l’autre. Nous pourrions tous mourir dans un attentat n’importe où, n’importe quand. Autant vivre la vie à fond. »
Constamment poussés entre des forces contraires d’attraction pour la douceur de vivre, le climat, la cuisine et les facilités de la vie moderne et la répulsion d’un pays où tout peut à nouveau basculer, la jeunesse libanaise « a [souvent] du mal à se projeter dans l’avenir » , admettait l’artiste et réalisatrice Joana Hadjithomas dans un récent article du Monde . « Parfois on est découragé, et à d’autres moments, on a la rage d’agir. »
Certains ont pourtant décidé de lutter et de déclarer leur amour pour leur ville. C’est ainsi que cinq jeunes Beyrouthins ont créé en 2012 le mouvement Live Love Beirut . Ce qui était à la base une campagne lancée sur la plate-forme Instagram – toujours en activité avec plus de deux mille cinq cents photos – pour vanter les mérites de la ville a très vite fait des émules.
En septembre 2013, l’Union européenne finançait un projet qui allait permettre à quatorze graffeurs de Beyrouth de s’emparer des murs de leurs villes. Le graffiti n’étant pas illégal au Liban, des fresques monumentales prennent place à travers la ville depuis plusieurs mois. Comme après chaque conflit, les Libanais reconstruisent ainsi leur ville, leur espace, leur réalité. Dans une ville marquée par la violence et les convulsions des attentats, l’esprit de survie s’exprime ainsi au quotidien.
À lire
Lamia Ziadé
,
Bye Bye Babylone. Beyrouth 1975-1979
, Paris, Denoël Graphic, 2010.
Nicolas Puig et Franck Mermier
,
Itinéraires esthétiques et scènes culturelles au Proche-Orient
, Paris, Ifpo, 2009 (
disponible en ligne
).
Raymond Depardon
,
la Solitude heureuse du voyageur
précédé de
Notes
, Paris, Seuil, « Points », 2006.
Georges Grom
,
le Liban contemporain. Histoire et société
, Paris, La Découverte, 2012.
Ziad Nafwal et Ghalya Saadawi (éd.)
,
Untitled Tracks : On Alternative Music in Beirut
, Beyrouth, Amers, 2009.
À voir
Ziad Doueiri
,
West Beyrouth (À l’abri les enfants)
, Belgique-Italie-Liban-Norvège, 1998.
Denis Villeneuve
,
Incendies
, Canada-France, 2010.
Nadine Labaki
,
Et maintenant, on va où ?
Égypte-France-Italie-Italie, 2011.
Ari Folman
,
Valse avec Bachir
, Israël-France-Allemagne, 2008.
À écouter
Soapkills
Mashrou’ Leila
Scrambled Eggs
Lumi
The New Government