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BFF 2016

Volker Schlöndorff Cinquante ans de cinéma

Ce samedi 18 juin, Volker Schlöndorff, réalisateur allemand dont la carrière s’étend sur plus de cinq décennies, a donné une leçon de cinéma en compagnie d’André Buytaers.

Ce samedi 18 juin, Volker Schlöndorff, réalisateur allemand dont la carrière s’étend sur plus de cinq décennies, a donné une leçon de cinéma en compagnie d’André Buytaers.

Ces leçons sont le rendez-vous annuel fixé par l’ARRF (Association des réalisateurs et réalisatrices de film) dans le cadre du Brussels Film Festival et visent à explorer et à promouvoir la richesse du cinéma européen.

L’incision d’alors se veut en plein dans le « cinéma de papa ». Dans une période de reconstruction du pays allemand, divisé entre Ouest et Est depuis la guerre, le cinéma en RFA se fait peu audacieux, en recyclant les adaptations ou les

remakes

, voire conservateur avec la prolongation du

Heimatfilm

. Dans un tel paysage cinématographique figé, des jeunes réalisateurs – comme Alexander Kluge, Wim Wenders, Werner Herzog, Rainer Werner Fassbinder, Volker Schlöndorff, etc. – réagissent en signant le célèbre « manifeste d’Oberhausen » en 1962, qui marque l’émergence du

Junger Deutscher Film

. Le « jeune cinéma allemand » n’aura alors de cesse de chercher l’innovation et d’explorer les possibilités du langage cinématographique, en résonance avec la Nouvelle Vague française.

Pour autant, Schlöndorff nous précise durant la rencontre son rapport à la tendance française, surtout avec Alain Resnais qu’il seconde sur le tournage de l’Année dernière à Marienbad (1961) : « J’[y] apprends mon métier mais ne [le] rejoins pas sur le fond. » Il nous indique rejoindre davantage Billy Wilder, notamment en ce qui concerne la structure narrative. Schlöndorff tourna ainsi en dérision un échange avec Wilder autour d’un scénario en cours d’écriture qui cumulait une structure narrative ardue et un contexte tout autant complexe.

« Die Blechtrommel », ou « Le Tambour ».

Le style de Schlöndorff se caractérise aussi par un travail récurrent de l’adaptation de grands ouvrages de la littérature allemande et au-delà : les Désarrois de l’élève Torless de Robert Musil adapté en 1966, l’Honneur perdu de Katharina Blum de Heinrich Böll en 1975, le Tambour de Günter Grass en 1979, mais aussi Der Fangschuβ adapté du Coup de grâce de Marguerite Yourcenar en 1976, Un amour de Swann tiré de l’ouvrage éponyme de Marcel Proust en 1984, Mort d’un commis-voyageur d’Arthur Miller en 1985, etc. Au cours de la leçon, le réalisateur et scénariste nous a expliqué que cette préférence lui venait d’une difficulté initiale d’écrire un scénario original, tâche à laquelle il a pu remédier avec quelques succès notamment Strohfeuer en 1972 ou les Trois Vies de Rita Vogt ( Die Stille nach dem Schuβ ) en 2000.

En outre, la méthode que le réalisateur explicite après la vision d’un extrait du making of de la Mer à l’aube (2011), consiste à penser dès le départ l’axe de la caméra pour éviter l’accumulation de champs-contrechamps. En ce sens, l’objectif doit trouver sa place par rapport à l’acteur. La lumière participe tout autant de la représentation « documentaire » sur l’acteur. À ce propos, le réalisateur mentionne sa collaboration avec Sven Nykvist, le chef-opérateur attitré d’Ingmar Bergman, avec un travail particulier sur la lumière naturelle dans Un amour de Swann . Selon Schlöndorff, le film de fiction peut être envisagé comme un documentaire sur l’acteur. Il n’y a pas de direction d’acteur, plutôt un procédé spirituel visant à faire émerger ce que l’acteur a au fond de lui-même. Il nous raconte ainsi comment Sam Shepard fut submergé par l’émotion sur le plateau de Homo Faber en 1991 lorsqu’il comprit, en pleine scène, son incapacité personnelle à pouvoir faire face à une nouvelle rupture.

Le réalisateur résiste encore à l’actualité avec sa mise en scène polémique de la cérémonie de commémoration du centenaire de la bataille de Verdun. Photo © Jean-Christophe Verhaegen/AP.

Son engagement se traduit dans les sujets traités, qu’ils soient proches de l’actualité comme dans Katharina Blum ou les Trois Vies de Rita Vogt , traitant de la question du terrorisme en Allemagne, dans Strohfeueur (1972), qui parle des difficultés de l’émancipation féminine, ou qu’ils soient de nature historique comme dans le Tambour ou Diplomatie en 2014. Tous ces films cherchent à questionner de proche ou de loin le rapport « au mal », ce que nous éprouvons dès les Désarrois de l’élève Törless .

En fin de compte, nous avons eu la chance de rencontrer ce samedi après-midi un artiste passionné à l’identité franco-allemande assumée, qui nous a ouvert davantage sa riche filmographie. Malgré sa longue carrière, le réalisateur résiste encore à l’actualité avec sa mise en scène polémique de la cérémonie de commémoration du centenaire de la bataille de Verdun, durant laquelle 3 400 jeunes français et allemands défilèrent notamment parmi les tombes des soldats tombés à Verdun.

Il est possible de découvrir une bonne partie de la filmographie du réalisateur dans le cadre du Brussels Film Festival 2016 à Flagey, ainsi que dans le cadre d’une rétrospective à la Cinematek jusqu’à la fin juillet.

Quelques films de Volker Schlöndorff
Les Désarrois de l’élève Törless (Der junge Törless) , 1966
Vivre à tout prix (Mord und Totschlag) , 1967
Michaël Kohlhaas (Michaël Kohlhaas, der Rebell) , 1969
L’Honneur perdu de Katharina Blum (Die verlorene Ehre der Katharina Blum oder: Wie Gewalt entstehen und wohin sie führen kann) , 1975
Le Tambour (Der Fangschuss) , 1976
[…]
Les Trois Vies de Rita Vogt (Die Stille nach dem Schuß) , 2000
Le Neuvième Jour (Der neunte Tag) , 2004
L’Héroïne de Gdansk (Strajk – Die Heldin von Danzig) , 2006
Ulzhan , 2008
Diplomatie , 2014

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