Carnet d’un voyage insolite (2)
Le collectif Ébullition Théâtre et l’asbl Siréas proposent un voyage insolite sur le thème des identités multiples. Je me suis lancée dans l’aventure et j’ai profité du fait que j’étais en stage au sein de l’asbl Indications pour proposer à Karoo mes impressions sur ce processus créatif.
Le voyage initiatique autour des identités multiples continue. Nos identités se confondent et sont mises en exergue par différents filtres que Géraldine Bogaert nous invite à adopter. Les exercices qu’elle propose maintenant sont pour nous des invitations à plonger dans les méandres de nos identités. C’est comme descendre lentement les marches d’un escalier mouvant et partir à la rencontre de la conscience de soi ; celle que l’on porte et qui, au fur et à mesure du temps et des expériences, se déploie, se métamorphose et/ou se consolide. L’identité est organique ; c’est un fluide qui circule dans nos âmes et s’imprègne des codes et contextes régis par les choix qui dessinent les constellations d’innombrables comptes de vies.
Nous formons un cercle. Y résonne la mécanique de l’horloge que notre groupe dessine. Quel que soit l’échange d’énergie que Géraldine lance, le cercle, bien qu’en mouvement, doit rester cercle et « l’oreille » du groupe alors se fait absolue. C’est une écoute en hyper activité. Le corps est un instrument fantastique capable de dégager une infinité de sons et de rythmes. Peu à peu, nous nous accordons à un même diapason et formons un concert instantané.
Nous devenons une bulle cosmique au sein de laquelle nous invitons entités, symboles et fantasmes à s’emparer de nos enveloppes corporelles. Nous choisissons des vêtements qui dévoilent une face plus cachée de nos personnalités. Puis nous défilons devant le groupe avec l’énergie dans laquelle nous enveloppent les habits dont, l’espace d’un instant, nous sommes les moines. Autre étape : nous recouvrons nos visages de masques blancs. La consigne est de toujours garder la tête droite. Par quatre ou cinq, nous nous plaçons avec prudence en ligne. Sans les yeux pour voir ce qui se passe à côté de nous, c’est tout le corps qui va sentir l’autre et deviner les gestes qui font ressortir d’instinct une forme d’animalité de nous.
Nous avons amené des objets qui nous sont chers et nous ressemblent. Extirpés de nos lieux de vie, nous les exposons d’abord timidement sur des tables. Sans dire mot, chacun observe curieux des histoires dont ces objets sont chargés. Nous sommes invités à en faire des « tableaux ». Mon petit livre de fées irlandaise, seul rescapé de mon enfance, ayant résisté à trois dizaines de déménagements raconte, à côté d’autres objets, « la géométrie des croyances », « la maison du féticheur », « la recherche de l’amour », « la route du soi ».
Des projections de nous qui flottent dans une ambiance feutrée. Tout le monde autour d’un tapis attend son tour pour aller y déposer des morceaux de son histoire. Nul doute n’entrera dans la pièce pour ébranler l’intimité que dix-neuf personnes qui se connaissent à peine sont capables de partager. Ces objets dévoilent une partie de nous. Ils sont les souvenirs piliers de la grotte à l’intérieur de laquelle nous avons enfouis les peines et les joies. Seriez-vous surpris qu’il y réside bien plus de peine que de joie ? Nous en ressortons presque assommés de nous être entendus dire « Oh moi qui ai survécu à… Oh moi, oh vive moi ». C’est comme déposer sa conscience sur une balance. Chaque poids que l’on y pose d’un côté fait remonter une compréhension de soi de l’autre côté. C’est descendre dans nos profondeurs pour remonter en surface, plus léger. L’escalier mouvant se fait plus confiant au fur et à mesure qu’on ose descendre à la rencontre de nos couches. On sait que l’escalier nous ramènera à la surface plus ouverts encore à tout ce qui nous inspire. Nos douleurs ont un sens, elles nous pèsent parfois mais il ne faut pas oublier que nous avons en nous, quelque part, la force de les porter comme des trophées.
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