Mal à l’aise avec le sujet de la sexualité ? Courez donc voir le spectacle Chacun son rythme qui, sans en avoir ni l’air ni le vocabulaire, en parle bien mieux qu’un cours de sciences !
À l’heure où l’éducation à la vie relationnelle, sexuelle et affective fait encore cruellement défaut dans certains établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Chacun son rythme s’impose comme une pièce nécessaire et utile, tant du côté des écoles que de celui des adultes. Et pour cause : sous les allures d’une conférence scientifique, Gustave − un benêt intello qui vit encore dans les jupons de sa mère − et Véronique − une technicienne à la fois fougueuse et fleur bleue – proposent de vous montrer comment fonctionne l’appareil d’échange jouïstique et de développement génotype, plus couramment appelé l’A.E.J.D.G. Pendant une heure, ces deux animateurs de choc vont tenter de nous initier aux plaisirs que peuvent procurer le « cyclum » (pour les garçons) et le « marchorum » (pour les filles).
Oui, oui, vous avez bien compris : tout le propos de la pièce est de nous parler de « la chose » sans en utiliser le vocabulaire habituel. Pour ce faire, nos fonctions sexuelles ont été habilement transposées en deux appareils de fitness : un vélo vintage d’appartement pour les jeunes mâles et un stepper (un appareil de marche) pour la gent féminine.
Des premières utilisations en solo de ces étranges machines à la pratique confirmée en duo, Gustave et Véronique abordent, grâce à un vocabulaire absurde et drolatique inspiré du fitness, la complexité des relations amoureuses à l’ère du numérique, des selfies et de la pornographie. Mais le propos passe comme une lettre à la poste, enveloppé qu’il est dans des tubes pop ou plus old school de notre enfance-adolescence tels que le très entraînant tube It’s a Beautiful Life d’Ace of Base.
Le sujet sous toutes ses facettes
«La taille de mes propulseurs dopaminergiques est-elle normale ? » ; « A-t-on le droit de photographier quelqu’un sur son marchorum ? » ; « Deux garçons peuvent-ils utiliser leur cyclum ensemble ?» font partie des interrogations hilarantes entendues pendant le spectacle. Derrière certaines de ces questions, on devine, sans peine, les thèmes de l’anatomie chez les filles et les garçons, de l’homosexualité, du plaisir (seul ou à deux), mais aussi de la pratique des photos « volées », un phénomène illégal mais néanmoins en vogue chez les ados depuis la popularisation des smartphones et des réseaux sociaux. En utilisant l’humour et la tendresse, Chacun son rythme parvient à relever le défi d’aborder la sexualité sans verser un seul instant dans la vulgarité ni dans le simplisme. Exit également la pudeur et la gêne du côté des spectateurs puisque le sujet est abordé à l’aide d’un jargon sportif délirant. Même si l’on rit énormément durant cette pseudo-conférence scientifique d’une heure, des éléments primordiaux sont abordés par le duo de comédiens. Les questions du consentement et du respect de l’autre – dont on parle énormément depuis la vague #metoo et #balancetonporc – sont par ailleurs centrales dans cette pièce qui rendra un fier service aux parents réticents ou paniqués à l’idée d’évoquer le thème de la sexualité avec leur progéniture. Espérons surtout qu’elle permette d’enfin dépasser les inhibitions de chacun.
Courage et reconnaissance
Après Plainte contre X qui abordait la pornographie de manière assez dure et oppressante, Alexandre Drouet a choisi de nous montrer une sexualité qui se passe dans de bonnes conditions, où le respect est omniprésent et le cadre toujours bienveillant. Avec Chacun son rythme, la sexualité n’est pas vue uniquement comme un acte permettant la pérennité de l’espèce mais aussi et surtout comme un acte d’amour, source de joie et d’épanouissement. Communiquer positivement sur la sexualité à l’égard du jeune public est essentiel pour que les ados d’aujourd’hui deviennent des adultes responsables et bien dans leur peau. Une mission que relève avec brio la pièce d’Alexandre Drouet.
Et la presse et les jurys ne s’y sont pas trompés puisque Chacun son rythme cumule les récompenses : le spectacle a reçu le prix de la ministre de l’Enseignement secondaire et a été un des Coups de cœur de la presse aux Rencontres du Théâtre Jeune Public de Huy en 2017. La pièce de la compagnie Cryotopsie a également été nommée aux prix de la Critique 2018 dans la catégorie meilleur spectacle jeune public.