Des histoires d’amour qui se créent dans la rupture, des obsessions sur un temps de tension romantique révolu, des nuits partagées par hasard puis vouées à l’abandon, des vies antérieures dont on ne s’échappe plus. Au sein de toutes ces relations qui existent péniblement, l’attirance réciproque entre l’agent 663 (Tony Leung Chiu-wai) et Faye Wong (par l’actrice du même nom) dans le deuxième chapitre de Chungking Express est une perle du cinéma de Wong Kar-Wai.

Pour qui découvre le cinéaste hongkongais par ce film tourné et monté en trois semaines, le premier acte sera sans doute perçu comme plus fin, plus réfléchi. Pourtant, je partage la surprise de Tony Leung quand Faye Wong ouvre le volet du Midnight Express dans son uniforme d’hôtesse de l’air. Parce qu’iels se croisaient par hasard, se rataient de peu. Partagaient un appartement, mais rarement en même temps. C’est un bout de mouchoir précieusement épinglé, sur lequel est gribouillé un rendez-vous sans lieu mais avec une date, qui leur permet finalement de se synchroniser. Alors que « California Dreamin’ » des Mamas and the Papas persiste à les empêcher de s’entendre, l’Agent et la serveuse se regardent enfin vraiment, et ça transperce l’écran d’ambiguïté.

La boucle est joliment bouclée. Un élan idyllique inespéré. Mais ce côté ovni dans la cinématographie de Wong Kar-Wai, composée d’œuvres qui se répondent, parfois directement, lui donne comme une valeur d'échappatoire rêvée par tous les autres personnages du réalisateur hongkongais.

Cet été, à Bruxelles, le cinéma des Galeries mettait Hong Kong à l’honneur. En 1984, Hong Kong n’est plus une colonie britannique mais préserve son statut indépendant et sa démocratie. Trente ans plus tard, la Chine veut imposer la loi martiale et récupérer le pouvoir. La réaction du peuple hongkongais en 2014 sera surnommée la « révolution des parapluies ». Aujourd’hui, et ce depuis 2019, le régime chinois a finalement pris le contrôle de l’ancienne cité-état. Le spectre cinématographique hongkongais trouve sa grande variété dans ces différentes réalités qu’a traversées chaque génération. Mais il est probablement impossible de négliger l’influence de Wong Kar-Wai quand on explore le cinéma créé sur cette île singulière.