Critique à caractère
En mars au Nova, le festival Offscreen a présenté À la recherche de l’ultra-sex , signé des trublions du détournement Nicolas Charlet et Bruno Lavaine. Entre bon goût et raffinement, les deux compères y chatouillent les roubignoles de la classe moyenne américaine.
Nicolas Charlet et Bruno Lavaine ne sont pas inconnus de quiconque regardait Canal + dans les années 1990. Ils étaient les auteurs de l’émission
Message à caractère informatif, dans laquelle ils détournaient les images de vieux films d’entreprise des années 1980.
Les voici de retour, sur le grand écran cette fois, avec un concept similaire… à peu de choses près. Les messages qui étaient jusqu’alors informatifs sont devenus pornographiques. Leur matériel de détournement n’est dès lors plus de vieux films d’entreprise, mais le cinéma porno des années 1970, celui qui sent bon la moustache et l’huile de massage. De ces images détournées, ils ont tiré un film de 59 minutes, pourvu d’une trame narrative. On sent l’idée venir d’une de ces soirées où, à trois heures du matin, avec des potes, tu te mets à trouver tout ce qui pourrait élever culturellement et intellectuellement la société dans laquelle tu vis. Quand dans ton cas ça reste une divagation de la boisson, chez eux ça prend la forme d’un projet concret. Un projet concret qui s’appelle À la recherche de l’ultra-sex et qui raconte comment l’humanité est devenue « totalement obsédée du cul ». Pour faire court, quelqu’un a volé l’ultra-sex qui est la matrice même du sexe et qui provoque, chez qui se trouve dans son périmètre, une furieuse envie de baiser. Cependant, pas de panique, car capitaine Zgeg, commandant Zizi et Christian Cheveux sont sur le coup.
Au vu de la bande annonce, j’ai tout de suite convoqué une équipe d’élite pour aller voir le film. Après une courte discussion, nous tombions tous d’accord : le rendez-vous était pris. Si je m’attendais à rire durant la projection, je n’avais pas prévu de rire dès le passage au guichet. Il était assez cocasse de voir mes compagnons et moi-même crier à la guichetière, proche de la surdité, que nous désirions une place pour le film À la recherche de l’ultra-sex . Loin d’être déstabilisés, on a rejoint le bar du cinéma pour débriefer le moment et commander quelques mousses. Plaisir ultime du cinéma Nova, il est permis de boire les consommations du bar dans la salle de projection. Nous avions donc un cinéma, du porno des années 1970 détourné, de la bière et des copains, on était un peu comme à la maison.
Pas de doute, toute la salle était dans le même état d’esprit. Le film fonctionne, les rires gras se sont fait légion et nous avons, bien entendu, participé de bon cœur à cela. Ce qui est assez fascinant, c’est que, parfois, les extraits détournés se suffisent à eux-mêmes. C’est ainsi que toute la salle fut écœurée quand elle vit des extraits de Cyrano de Vergerac ou encore d’ Edward aux mains de pénis . Loin de laisser tout le potentiel comique aux images seules, Nicolas et Bruno les agrémentent de leur écriture potache et absurde. C’est ainsi qu’à un moment du film, nous pouvons entendre le capitaine Zgeg déclarer la guerre des étoiles au robot Daft Punk. Nous sommes conquis. Même si le film s’essouffle un peu sur la longueur, sa courte durée lui évite de tomber dans une extrême lourdeur — à l’inverse de la plupart des amis qui m’ont accompagné ce soir-là.
Outre l’aspect extrêmement drôle de toutes ces petites saynètes, À la recherche de l’ultra-sex est également une fenêtre ouverte sur le cinéma porno des années 1970, ses bizarreries, son imaginaire et son inventivité. Contrairement à la production pornographique sclérosée à laquelle nous avons droit aujourd’hui, prisonnière de ses éternels schémas, la production des années 1970 essayait de créer des histoires et d’installer des univers, des ambiances. Il y avait un véritable travail d’imagination et de fantaisie.