David Gilmour en France
Depuis une dizaine d’année, ayant bêtement raté la tournée On an Island , un seul mot d’ordre : à la prochaine, on verra David Gilmour coûte que coûte ! L’affaire tombe en mars dernier, pour la France ce sera dans le magnifique théâtre romain d’Orange.
La lumière s’éteint, la clameur monte et le concert commence avec trois extraits de l’album Rattle that Lock , qui ne sortira que deux jours plus tard : « 5 AM », « Rattle that Lock » et « Faces of Stone ». Le son, l’atmosphère, l’ambiance : rien ne manque, on est dans du Gilmour/Floyd classieux. Un écran géant surplombe la scène. Il ne sera utilisé qu’en « effet light show ». Pas de projection lors du concert d’Orange (honnêtement, elles ne m’ont pas manqué tant les effets étaient beaux). La raison évoquée par le site officiel est le poids non supportable par la structure du théâtre antique.
Pendant le concert, nous allons découvrir sept titres de Rattle that Lock . Grand sondage : pour ou contre la découverte d’un nouvel album en live avant sa sortie ? Le débat est ouvert. Passé les premiers mots de David, les frissons circulent dans la foule après les effets sonores annonçant « Wish You Were Here », de l’album éponyme de Pink Floyd, qui est interprété de façon sublime.
S’enchaîneront ensuite « A Boat Lies Waiting » ( Rattle that Lock – dédié à Rick Wright), « The Blue » ( On an Island ), « Money » et « Us and Them » (Pink Floyd – The Dark Side of the Moon ), « In Any Tongue » ( Rattle that Lock ) ; et le set prendra fin avec « High Hopes » (Pink Floyd – The Division Bell ). Tout est incroyablement bien interprété, et sublimé par le jeu du grand David.
Au terme de cette première partie, on retient la parfaite maîtrise du groupe, un Gilmour intouchable et aérien, à la voix comme il faut… et le « light show » est digne de l’homme et de son groupe (le Pink Floyd post Syd Barrett). L’homme est tellement rare, et tellement charismatique, qu’on en oublie la magnifique brochette d’accompagnants ! Les points négatifs ? Cinq titres non connus, toujours difficile de s’approprier le set – découvrir et apprécier en même temps pas toujours facile ! –, un certain manque de spontanéité. Et surtout une absence totale de surprise.
Après une pause de vingt minutes, la lumière s’éteint et nous voilà projetés en 1967 à l’UFO pour une superbe version d’« Astronomy Domine » (Pink Floyd – The Piper at the Gates of Dawn ). Les effets lumières sont incroyables, voire aveuglants… On devine l’âme de Syd qui virevolte dans le théâtre.
« Shine On Your Crazy Diamonds » (Pink Floyd – Wish You Were Here ), mon titre favori du Floyd. Je ne suis pas déçu. La version est merveilleuse et les solos me font encore rêver. Je profite pour souligner (et j’en ai honte) que Richard Wright (le claviériste de Pink Floyd qui accompagnait Gilmour lors de sa dernière tournée) ne manque pas. Gilmour reste aujourd’hui la plus belle incarnation du Floyd en concert, et la frontière entre Pink Floyd et Gilmour est ténue depuis 1987 (si j’osais, je dirais depuis 1977, vu que The Wall et The Final Cut sont plutôt des disques solos de Waters accompagné par Pink Floyd).
David Gilmour s’arrête là pour présenter son groupe, avec notamment John Carin, qui accompagne le Floyd et Gilmour depuis trente ans, Guy Pratt, qui a repris la basse de Pink Floyd au départ de Waters (un musicien hors du commun qui arrive à faire le grand écart entre Madonna et Whitesnake) et Phil Manzanera, ex-Roxy Music, qui a coproduit le nouvel album et à qui l’on aurait bien aimé que Gilmour laisse l’espace d’un solo.
Après les présentations de rigueur, David interprète cette merveille de « Fat Old Sun » (Pink Floyd – Atom Heart Mother ), enchaîné avec « Coming Back to Life » (Pink Floyd – The Division Bell . Le merveilleux « On An Island » suit avant que le groupe adopte une configuration jazz pour « The Girl in the Yellow Dress » ( Rattle that Lock ) avec contrebasse, saxo, etc. J’ai particulièrement apprécié ce jazz (aux limites de l’ easy listening ) mais les avis ne sont pas unanimes sur ce point. Ensuite on passe à « Today » ( Rattle that Lock ), dernier extrait « funkisant » du nouvel album ; j’avoue aimer beaucoup ce titre.
Seul dans le noir, David plaque les accords de « Sorrow » (Pink Floyd – Momentary Lapse of Reason ) et le titre décolle pour notre plus grand plaisir en dépit de mes appréhensions initiales. Le groupe chausse lunettes noires (effets lumières aveuglantes et stroboscopiques) pour un « Run Like Hell » (Pink Floyd – The Wall ) incroyable… Le théâtre est debout. David salue et quitte la scène.
En rappel, on a droit à une version magnifique de « Time / Breathe (reprise) » (Pink Floyd – The Dark Side of the Moon ), qui nous rappelle les meilleures heures des shows de Pink Floyd à Versailles en 1987. Les premiers accords tombent, les mots « Hello, is there anybody … » sont fredonnés par Jon Carin et nous voilà embarqués dans ce « Confortably Numb » (Pink Floyd – The Wall ) qui est l’un des morceaux de bravoure de Gilmour avec son solo phénoménal (peut-être l’un des dix plus beaux de l’histoire du rock). La lumière se rallume et nous laisse assommés par les nappes musicales envoûtantes du Floyd (eh oui, je dis du Floyd et pas de Gilmour).
Une des grandes qualités de David Gilmour, qui rend ses prestations indispensables, c’est qu’il se fait désormais rare. Le show était sans surprise, mais avec un tel patrimoine musical… Soirée exceptionnelle dans un cadre et avec une acoustique à la mesure de l’événement.