Django
Derrière la musique se cachent des histoires et derrière certaines musiques se cache l’Histoire : la Deuxième Guerre mondiale vibre au rythme du swing. Django est présenté comme un biopic sur le fameux musicien gitan, Django Reinhardt, mais revêt plutôt les habits d’un film de guerre typique du cinéma français.
La Deuxième Guerre mondiale aura été une blessure profonde pour la société française. Et en 2017, cette blessure rôde encore comme une sorte de fantôme qui hante sa mémoire, et bien entendu celle de son cinéma. Comme un appel au souvenir, Django est d’abord un film de guerre avant d’être un biopic. La musique de Django Reinhardt ne porte pas l’Histoire mais n’est finalement qu’un prétexte.
Dans le froid de l’automne 43, on suit, dans une tension tiède, la fuite de Django et de sa famille. Le musicien laisse à Paris la gloire, les clubs de jazz clandestins, l’argent et sa renommée. C’est le Django du Hot Club de France, au sommet de sa gloire, pour qui la guerre est une chose lointaine et pour laquelle il n’a que peu d’intérêt. Paris ne brûle que pour ses mélodies. « Les tziganes, on n’a jamais fait la guerre. C’est pas notre guerre. » dira-t-il. Mais peu à peu, l’Histoire le rattrape.
Convaincu par son amante, Louise de Klerk (Cécile de France), il fuit Paris pour la Suisse avec sa famille. Bloqué à la frontière pendant plusieurs mois, Louise le convainc, malgré ses refus répétés, d’aider la Résistance à faire passer un blessé, avant lui et sa famille, de l’autre côté de la frontière.
Django est avant tout un prétexte pour parler de la déportation des tziganes et des gitans sous le régime nazi et celui de Vichy. D’abord en toile de fond et finalement amené au premier plan du film à sa clôture avec une interprétation du Requiem pour mes frères gitans de Django Reinhardt, œuvre symphonique composée durant son exil en Suisse. Cette œuvre n’a été jouée qu’une seule fois à la Libération et rend hommage à la mémoire des gitans assassinés par les nazis.
Plutôt dans l’ambiance d’un cours d’histoire que celle d’un cours de musique, Django laisse un goût d’inachevé comme biopic, ainsi que comme film de guerre. On appréciera quand même plusieurs scènes musicales avec des interprétations originales du répertoire de Django Reinhardt.
Le devoir de souvenir que le film propose est très présent dans le mouvement artistique dont Django fut l’initiateur : le swing gitan. Des milliers de guitaristes ont joué et jouent encore ses morceaux en recherchant la même vivacité, virtuosité et vitalité qu’il le faisait de son vivant. La pulsion de vie, c’est cela qu’on retrouve dans cette musique. Peut-être est-ce la morale de ce film ?
La mémoire du génocide des gitans durant la Deuxième Guerre mondiale n’a pas été perdue. Le groupe français Les Doigts de l’homme le prouve d’ailleurs avec son morceau Camping sauvage à Auschwitz.
Django est donc selon moi un film terne, froid et gris qui ne s’illumine que par la musique et les scènes de concerts. Rêver d’une vie pleine de paillettes est le privilège des spectateurs, pas celui des artistes. Un peu comme l’image du clown qui pleure, Django nous ramène à la réalité de la vie des musiciens qui diffère tant de ce que l’on voit sur scène. Mais une chose nous marque encore plus : quand le pouvoir tente de démolir et de déformer l’art pour en faire un outil de propagande, l’art s’échappe et survit. Django rappelle que la musique survit à la politique et à l’Histoire. Elle survit même à ses musiciens. S’il faut retenir une chose de ce film, c’est bien cela.