Dans ce quotidien de désespoir, de menace et de pauvreté causé par une guerre de longue date entre l’Irlande du Nord et du Sud, nous suivons Maeve, une jeune femme de milieu défavorisé qui n’attend que ses résultats scolaires pour enfin quitter le nid et tout ce qu’il représente.

Ayant pour rêve d’étudier le journalisme à Londres, ses deux meilleures amies et elle se voient forcées de commencer un travail acharné et harassant dans une usine de chemises afin de pouvoir subvenir à leurs futurs besoins. Malheureusement dirigée par un homme aux vices multiples et occupée par des hommes et femmes aux principes, aux mentalités et aux quotidiens très différents, les jeunes filles vont devoir évoluer au centre d’une atmosphère hostile et mouvementée.

L'une des premières choses remarquables de ce livre est son ton et son langage caractéristique du peuple irlandais. En effet, l’emploi d’un vocabulaire familier et d’un dialecte bien spécifique nous plonge plus encore dans l’histoire et crée une forme de proximité avec les personnages et leurs vécus.

Cela permet la découverte d’une atmosphère riche, d’une ambiance précise et réaliste qui transmet à merveille toutes les facettes des thèmes abordés tout en les dédramatisant et en y apportant une touche d’humour.

La différence observable de langage employé par les différentes classes sociales représente à mon sens un obstacle de plus à franchir pour les occupants de milieux moins aisés souhaitant s’émanciper de leur destin déjà tout tracé. À l’image d’une barrière séparant deux clans, elle établit dès le début une distinction sociale à impérativement modifier pour qui veut passer de « l’autre côté ».

Un autre point remarquable du roman est la complexité ainsi que la dualité des différents personnages mis en scène par l’autrice. Ils se ressemblent tout en s’opposant, s’aiment tout en se détestant.

Ce mélange émotionnel est parfaitement représenté à travers Maeve, l’héroïne principale. Vis-à-vis d’elle-même comme de son entourage, Maeve semble prise dans un flot constant d’émotions qu’elle ne comprend pas. C’est pourtant cette incompréhension qui va faire de son caractère une âme réaliste et attachante. Ses imperfections et son caractère parfois abusif et maladroit sont une partie intégrante de qui elle est.

C’est en particulier à travers sa relation avec Aoife, son amie, que l’on peut apercevoir toutes les failles présentes dans la carapace émotionnelle qu’elle s’est bâtie. Vus comme l’allégorie de la perfection par la jeune fille, Aoife et sa famille représentent tout ce qu’elle voudrait être.

Elle est donc, en dépit de ce qu’elle laisse transparaître, une personne sensible bien que blessée. La traduction de Carine Chichereau, pose des mots juste sur des impressions et des sentiments forts.

On ne peut également pas négliger la tournure et le fond féministe que le livre transmet tout au long de sa lecture. Que ce soit par le démantèlement du cliché autour des personnages féminins ou de la réinterprétation de la féminité que l'auteur s’est réapproprié, il brise les lois figées et rend aux femmes un aspect complexe et vivant, bien loin de l’image figée et secondaire connue de l’époque.

Du fil à retordre aborde de façon légère et active des thématiques importantes de la société actuelle, tout en racontant une histoire mouvementée et pleine de rebondissements. Il met en avant des valeurs modernes et nécessaires telles que la solidarité contre l’adversité, l’indépendance et la persévérance.