FIFF 2015
Deuil, folie, amour et méfaits se disputent l’écran dans la Volante , le nouveau film de Christophe Ali et Nicolas Bonilauri. Dans une ambiance hitchcockienne, entre drame et thriller psychologique, le duo français joue avec l’intrigue et notre adrénaline.
Du 2 au 9 octobre 2015, le FIFF souffle ses 30 bougies. Les rédacteurs de Karoo sont présents toute la semaine pour offrir un regard sur une sélection de films.
Une vie contre une mort : c’est sur cet échange que débute le long métrage. En conduisant d’urgence sa femme à la maternité par une nuit orageuse, Thomas renverse un jeune garçon qui meurt des suites de l’accident. Dans un même hôpital, séparés par quelques chambres seulement, Léo nait, Sébastien s’éteint. Marie-France, la mère de Sébastien, semble aussi, l’espace d’un instant, chercher la mort après cette tragédie. On retrouve cependant Thomas et Marie-France neuf ans plus tard, bien vivants, pour le meilleur ou pour le pire.
Marie-France est secrétaire volante. Après s’être mise au service de Thomas, qui lui trouve des manières quelque peu anormales, elle parvient à devenir la baby-sitter du petit Léo et s’immisce ainsi dans la vie privée de son patron. De manière progressive, subtile et certainement préméditée, Marie-France se rend indispensable à Thomas. Le spectateur, pris entre les deux protagonistes, est désormais seul témoin de scènes dévoilant l’énigmatique collaboratrice dans son intimité. Lui seul voudrait, tant qu’il n’est pas trop tard, tirer la sonnette d’alarme. Bien qu’il soit impossible de distinguer nettement le plan qui se dessine dans l’esprit de la « Volante », il s’avère vite évident qu’une situation malsaine se développe.
Mais Marie-France, par le biais d’un mariage avec le père de Thomas, s’intègre irréversiblement dans la famille. En tant que grand-mère, elle a désormais le champ libre pour donner libre court à son affection pour Léo. Elle a également plus de facilités pour supprimer les obstacles qui se dressent contre une relation de filiation entre elle et l’enfant. Et l’on ne peut alors s’empêcher de penser que neuf ans plus tôt, elle a perdu un fils…
C’est bien la question de la maternité qui est revisitée, sous un angle certes inattendu et interpellant, mais captivant. On pourrait dans un premier temps y voir une réécriture du mythe de Clytemnestre, dans lequel la mère séparée de son enfant par un meurtre violent n’aurait plus pour seul but que sa vengeance contre l’assassin. Mais Marie-France n’est finalement qu’une mère privée de son fils, qui cherche par tous les moyens à combler ce manque qui la blesse. Des parallélismes intelligents se dessinent tout au long du film, notamment entre la relation de père à fils de Thomas et celle de mère à fils de Marie-France. Ils montrent que tous les deux sont, malgré une situation qui les oppose frontalement, profondément humains, qu’ils ont les mêmes affections et les mêmes peurs.
Une musique qui tient en haleine, tantôt lente, tantôt rapide, mais toujours teintée de mélancolie, des contre-plongées et des gros plans choisis avec habileté, Nathalie Baye qui s’installe avec une aisance déconcertante dans la peau du « méchant », tout a été mis en œuvre pour accomplir à la perfection la volonté des réalisateurs : dessiner le portrait d’un protagoniste sur le fil, insaisissable. Nicolas Bonilauri témoigne avoir voulu nous plonger, via ce personnage, dans une atmosphère déconcertante, un scénario dans lequel on ne sait jamais vraiment quand la catastrophe surviendra. Force est de reconnaître que c’est bel et bien un film qui surprend.