« La liberté, ma jolie… »
Portrait d’une poignée d’hommes et de femmes cherchant la tranquillité dans la forêt québécoise, Il pleuvait des oiseaux de Jocelyne Saucier explore la liberté de choisir sa vie et de choisir sa mort. Un autre regard sur le grand âge, une échappée belle.
« L’histoire est celle de trois vieillards qui ont choisi de disparaitre en forêt », annonce Jocelyne Saucier dès la première page de son roman. « Trois êtres épris de liberté »,
une minuscule communauté installée loin du monde
, du gouvernement et des assistantes sociales, et qui voit débarquer deux femmes. La première, photographe, explore par son travail les brûlures du passé ; la seconde, très âgée, a attendu longtemps avant de trouver la liberté. À mesure que les saisons passent au bord du lac, dans
ce coin de Québec qu’on imagine superbe
, des liens d’amour et d’amitié se tissent et les vies prennent un cours inattendu… Mais vous n’en saurez pas plus : je ne veux pas vous priver du plaisir que j’ai eu à lire ce livre sans en savoir trop, à me laisser surprendre par le récit et à découvrir si vraiment…
(et pourquoi ? et comment ?) « il pleuvait des oiseaux ».
Jeux de regards
Cette belle histoire, Jocelyne Saucier la mêle à des faits historiques – une série de terribles incendies qui ont ravagé la région près d’un siècle plus tôt et sur lesquels enquête la photographe. Peut-être y a-t-il dans cette démarche une trace de la journaliste locale qu’a été l’auteure ? Mais sa plume est avant tout celle d’une artiste qui s’amuse. D’un chapitre à l’autre, elle joue avec les points de vue et se met tour à tour dans la peau de différents personnages. Ce qui nous permet de faire leur connaissance, de mieux les comprendre, mais aussi de partager plusieurs regards sur les événements. Le récit est également rythmé par des passages en italique dans lesquels l’auteure semble s’adresser directement à nous, lecteurs. Comme si elle nous prenait à part, nous mettait dans la confidence sur l’avancement de l’histoire et nous donnait au passage quelques indices sur la suite. Un procédé original qui donne à son roman le ton d’un conte.
Choisir sa vie, choisir sa mort
« La liberté, ma jolie, la liberté de choisir ma vie », répond le vieil homme à la photographe qui lui demande ce qui l’a amené dans cette cabane au fond des bois, à l’abri des regards.
Au fond, chacun des personnages d’
Il pleuvait des oiseaux
semble être venu chercher au bord du lac une forme de liberté.
Une liberté qui est aussi celle de choisir sa mort et qui a autant à voir avec le refuge naturel qu’offre la forêt qu’avec celui qu’offre la vieillesse. Dans un entretien publié en ligne1
, l’auteure confie d’ailleurs sa tendresse pour les personnes âgées :
« Elles ont toute leur vie dans leur regard, des pensées libres d’elles-mêmes, plus rien
à prouver. » Des mots qui ressemblent à s’y méprendre aux sentiments qu’elle prête à la photographe :
Elle en était venue à les aimer plus qu’elle n’aurait cru. Elle aimait leurs gestes lents, leurs hésitations devant un mot qui fuit, un souvenir qui se refuse, elle aimait les voir se laisser dériver dans les courants de leur pensée et puis, au milieu d’une phrase, s’assoupir. Le grand âge lui apparaissait comme l’ultime refuge de la liberté, là où on se défait de ses attaches et où on laisse son esprit aller là où il veut.