Du retour des claquettes-chaussettes au mouvement social body positivity , l a Mode déshabillée est une BD alliant sociologie et mode avec une touche d’humour. Zoé Thouron et Frédéric Godart tentent dans un dialogue illustré de démêler les questionnements et sources de ce phénomène.
Alors que Harry Styles chamboule les codes d’une mode genrée en couverture de Vogue US en décembre 2020, nous sommes nombreux à tenter de répondre aux problématiques contemporaines sur l’une des industries les plus puissantes du monde : la mode. Une industrie à la puissance autant sociale que politique et qui nous affecte tous . C’est sous le crayon de Zoé Thouron (autrice de BD) et les mots de Frédéric Godart (sociologue) que nous percevons le prisme infini des approches de cet univers dans l a Mode déshabillée aux éditions Casterman.
L’alliance de la bande dessinée et des sciences humaines émerge depuis quelques années, légitimant une approche plus picturale pour comprendre le monde. Les textes sociologiques ne s’apparentent plus à de longs paragraphes, mais on les associe au genre de la bande dessinée permettant une expérience nouvelle de lecture.
Ludique, fluide et complète, la BD de Zoé Thouron et Frédéric Godart utilise un vocabulaire spontané. Le dessin et les textes se complètent, l’un illustrant l’autre parfaitement. Le coup de crayon de Zoé Thouron est dynamique et coloré, tandis que le propos du sociologue Frédéric Godart est simple et clair. Il reprend des références classiques comme Platon ou Rousseau et les éclaircies ; puis viennent les illustrations enrichissant la compréhension.
Le sociologue articule dans un premier temps son propos autour de la mode comme appartenance à un milieu socio-culturel. Il discute avec Zoé Thouron de son intérêt premier, en la désignant comme une façade ou du moins l’image que l’on choisit de renvoyer aux autres.
Alors l’illustratrice, assise à son bureau et croulant sous les planches préparatoires de la BD, prend note avec ferveur du discours de son collègue avant l’apparition de Marie-Antoinette, icône de la mode depuis des siècles. Le choix d’un tel medium permet aux auteurs de faire dialoguer Zoé Thouron, jeune autrice française de bande dessinée et Marie-Antoinette, reine de France et femme de Louis XVI. Cette liberté d’anachronisme apporte du dynamisme et une touche d’humour à la BD que tout lecteur appréciera.
Mais au-delà de la mode de la cour, les auteurs parlent de la mode comme d’un thème large dont les angles d’attaque sont nombreux : historique, géographique, géopolitique, économique ou écologique. C’est une vulgarisation de thèses sociologiques parfois moins accessibles au grand public pour qui les images sont un moyen pédagogique d’accompagner les mots.
Le panel des thématiques de cette bande dessinée est large. On retourne notamment aux origines de la distinction entre style et mode, qui se manifeste dans l’Angleterre de la première moitié du XIX e . C’est durant cette période que les dandys adoptent un style sobre et sombre en opposition aux vêtements en vogue qui se veulent colorés, bariolés, extravagants.
Nos auteurs illustrent aussi la place de la mode dans la politique de notre temps, en expliquant la puissance internationale des « capitales de la mode » tels que Paris, New York, Milan ou Londres. Mais aussi l’origine du t-shirt, « grand classique de l’habillement pour hommes et femmes » :
La mode déshabillée de Zoé Thouron et Frédéric Godart est un ouvrage complet dont le sujet est pris dans sa globalité. Les auteurs y mettent en scène à la fois Louis XIV, Epictète, Donald Trump, Karl Lagerfeld, Cécile Duflot et bien d’autres, tout en restant très contemporains : on introduit notamment le mouvement social body positivity , les réseaux sociaux ou même la question de l’empreinte écologique dans le propos. Cette modernité associée à la spontanéité du dialogue promettent une lecture à la fois divertissante et didactique, n'omettant aucun de nos questionnements sur la mode.