Aujourd’hui, pour la première fois, je m’attèle à raconter ce rêve étrange fait en plein jour, un 20 octobre, à Québec, sous les voûtes blanches de la Maison de la Littérature.
En octobre dernier, six camarades et moi, lauréats du 34ème Prix du Jeune Écrivain, avons été conviés aux événements culturels organisés par la ville de Québec, à l’occasion du festival littéraire « Québec en toutes lettres ». Au programme : lectures sur scène, concerts, performances…
C’est lors du dernier soir de mon séjour que j’ai assisté au spectacle La République des Rêves , un extraordinaire voyage vers l’enfance proposé par la compagnie À l’envers .
Tout commence dans la splendide Maison de la Littérature, déjà visitée quelques jours auparavant. Cet ancien temple méthodiste réinvesti en bibliothèque monumentale est un peu plus agité que d’habitude.
Sur des tables, de grandes feuilles, des mots découpés et de la peinture nous sont proposés. Notre seul moyen de pénétrer au coeur du spectacle est de jouer le jeu : écrire quelques mots de poésie sans craindre de voir, peu après, ses vers affichés aux yeux de tous. Une fois le rite de passage effectué, nous sommes guidés par groupes, ou plutôt alpagués par un acteur, vers un rideau noir. On s’engouffre dans un vestibule installé sous une tente sombre, et l’acteur nous pose cette question : « Pourquoi êtes-vous ici ? »
Certains osent répondre. « Pour la poésie. Pour la littérature. » La plupart se taisent ; peu importe notre âge, la situation est beaucoup trop troublante pour savoir comment réagir. Notre hôte nous tend des cintres et nous invite à quitter nos habits poussiéreux . Tandis qu’il raconte l’histoire d’un manteau rouge, nous accrochons les nôtres sous des étiquettes « Pour partir à l’aventure », « Pour n’avoir peur de rien », etc. Un drôle de périple qui ne fait que commencer.
Nous débouchons sur une salle remplie d’installations de bois, faiblement éclairée. C’est reposant, chaleureux. Une femme aux allures de diseuses de bonne aventure nous fait jeter des dés. Personne ne pose de question lorsqu’elle remue des brindilles sur sa table en inventant de mystérieux calculs. Chacun notre tour, nous recevons un petit paquet de cartes qui déterminera notre parcours entre les différentes installations.
Je commence par la Capsule de méditation. À travers la petite fente devant mes yeux, j’observe l’effervescence curieuse des autres visiteurs, intrigués. Rythmés par un signal à l’harmonica, nous avançons en suivant nos cartes, et c’est ainsi que je me retrouve sous une couverture avec trois inconnus, ou aux fourneaux dans un laboratoire olfactif miniature. Le temps passe trop vite, je veux tout essayer. Mais notre élan à tous est coupé : un acteur déboule, l’air alarmé. On s’assied, on écoute, désormais ouverts à l’invraisemblable. La seconde partie du spectacle commence, et nous sommes tantôt tribunal improvisé, armée de gamins, confesseurs et confidents.
Je m’arrête ici, déjà sûre d’avoir trop dévoilé de ce rêve collectif. Car oui, c’est un moment complètement hors-monde que nous offrent Benoît Gasnier, Julie Seiller et François Lavallée ainsi que leur scénographe Guénolé Jezequel, dont on ressort les yeux pleins de paillettes, et les poches, de poussière…