L’amour, après de Baptiste Sornin et Marie Baudet, est leur première bande dessinée individuelle ou collective. L’idée de cette BD est de mettre en scène une relation qui atteint la fin de son histoire en passant par la routine et le questionnement.
Louis et Sophie sont ensemble depuis dix ans. Ils se retrouvent dans l’impasse de la routine dans leur relation, rythmée par leurs vacances, leur famille, leur vie commune et leurs sentiments. Sont-ils en couple par habitude ou est-ce de l’amour ?
Les scènes de ce roman graphique sont lentes, ce qui prend le lecteur par les sentiments. On ressent cette non-communication comme si tous les sujets avaient déjà abordés et qu’ils n’avaient plus rien à se dire. Généralement, la planche reprend les mêmes dessins plusieurs fois, sans paroles, pour pousser le silence à son sommet. Les dialogues nous enivrent de banalités mais c’est cette intention qui permet de ressentir toute la difficulté qu’endure le couple. Au fur et à mesure des premières planches, on se rend compte que les discussions ne sont que pour les tracas de la vie ou le boulot. Le reste des interactions ne se créent qu’à partir d’autres personnages. Dans son discours, le livre transmet comme idée que la routine est synonyme de silence car certaines planches ne contiennent même pas de parole. Ça nous plonge dans la froideur de la scène à la limite entre la gêne et la tension.
Les dessins du livre sont vifs et colorés ce qui rend le sujet, assez délicat, plus doux, plus tendre et plus sentimental. C’est ce détail des couleurs qui nous rend un peu plus joyeux et qui rend l’histoire moins fade et moins monotone. De plus, Marie Baudet est connue pour ses dessins sans visage. Elle est illustratrice et dessinatrice dans plusieurs domaines artistiques notamment dans la scène musicale et la littérature. Issue d’études en cinéma et en graphisme, elle a créé sa première BD en collaboration avec Baptiste Sornin. Elle s’inspire de photos d’albums de famille pour créer ses personnages. Dans le contexte de l’histoire, les visages anonymes permettent au lecteur de s’identifier et de rentrer en immersion totale dans ce récit contemplatif. Cela accentue le froid dans la relation et renforce l’idée de « faire semblant » pour présumer que tout va bien. Certaines planches, à l’inverse, montrent les visages complets lors d’un craquage de Sophie où elle pleure. Ce moment doit être vu comme la force de montrer ce que le personnage pense vraiment et ce qu’elle ressent sur toute cette situation. Derrière cette BD se cache des petits détails de la vie quotidienne : des smileys, des sms, un plâtre, une raquette de tennis. Toutes ces choses accentuent l’univers des personnages et leur mode de vie.
Les auteurs mettent en relief le duo par l’interaction d’un politicien. Lorsqu’un événement important se déroule, leur histoire est en parallèle avec le discours d’un politicien américain, Donald Trump. Le but est de mettre en perspective les dires du politicien et des deux personnages et de pousser l’histoire un peu plus loin. La plupart du discours de Trump est traduit pour permettre aux francophones de comprendre les propos. Malheureusement, les phylactères, pour une partie du meeting politique, manquent de traduction, même si j’avoue que c’est agréable de voir un changement de langue pour un sujet aussi barbant qu’est la routine dans une relation. Ça donne un coup de peps !
Baptiste Sornin et Marie Baudet nous poussent à explorer les différents aspects d’une vie de couple et de se questionner sur la façon d’aimer notre prochain. Comme dirait l’auteur québécois,
On a beau dire, une rupture, ça libère, mais ça déchire aussi, ne serait-ce que la routine. Bertrand Vac