LANGUAGE IS A VIRUS
Bien. Reprenons. Posons l’une sur l’autre nos hypothèses. Voyons comment l’hypothèse de la langue orale et l’hypothèse de l’écriture efficace se nourrissent l’une l’autre et se fécondent. Tirons ainsi quelques conclusions de ces pistes de lecture extensive. Revenons, pour ce faire, au cut-up. Aux romans de la trilogie. À leurs diverses éditions. D’abord poser un constat : le cut-up en lui-même ne suffit pas.
Le cut-up tel que décrit dans Œuvre croisée est une mécanique. Il vous fait travailler à la chaîne. Vous coupez puis assemblez au hasard des bribes, sans réellement vous préoccupez du résultat. Vous fiant au hasard et au petit bonheur pour que, shazam ! magiquement, une perle surgisse. L’avantage ? Pas besoin d’être inspiré pour écrire. Ni d’avoir une personnalité ou une sensibilité exceptionnelles. Encore moins d’avoir quelque chose à dire. Encore moins d’avoir le don. On peut dire ceci : le cut-up n’est pas qu’un acte violent de destruction de codes écrits qui asservissent. D’un même geste, le cut-up désacralise l’auteur . Le renverse de son piédestal. En fait quelqu’un d’ordinaire. Un monsieur ou une dame comme tout le monde. On peut dire ceci : en désacralisant l’auteur, en en faisant, en somme, un travailleur manuel, le cut-up nous « libère » du poids d’une tradition faisant de l’écriture une affaire d’affects, de personnalité hors du commun, ou de prédisposition. Extrême démocratie du cut-up. Tout le monde peut couper et assembler. Le cut-up est à la portée de tous. Chacun peut ainsi devenir auteur. Être calife à la place du calife.