Primé à plusieurs reprises, Les Petites Mains s’inspire d’une détresse humaine pour questionner sur l’essence de la violence et faire redécouvrir la tendresse face aux seules valeurs industrielles et commerciales. Bouleversant, tendre et poignant.
Gros plan sur Léo, le jeune fils d’un directeur d’usine. Il joue. À quelques mètres de lui, des ouvriers en colère… Peu d’informations sur le contexte si ce n’est pour dévoiler une usine sur le point de fermer. L’enfant, éloigné du vacarme, se retrouve dans la voiture familiale. La mère s’absente quelques instants. Le film démarre alors brutalement. Sous l’impulsion de la révolte, Bruno, l’un des ouvriers, fracasse la vitre du véhicule et prend en otage le jeune garçon. Alarme déclenchée, pleurs et cris de Léo de surcroît, s’entame alors une fuite désordonnée et paniquée, tout en tension. Par ce geste irréfléchi et désespéré, l’ouvrier pense pouvoir négocier…
Le film se focalise alors essentiellement sur la course effrénée du personnage à travers des plans imprécis et disparates qui rompent avec les prises de vues courantes. Loin des dialogues, quasi absents, le film se ressent, plus qu’il ne se comprend.
Jeune réalisateur et scénariste français vivant en Belgique, Rémi Allier nous livre, pour son troisième court métrage1 , une vision originale de la violence des rapports sociaux. Le spectateur est en effet amené à percevoir la brutalité du contexte à travers les yeux d’un enfant, victime malgré lui. Les gros plans récurrents sur le visage de Léo, éminemment subjectifs, suscitent l’empathie devant son incompréhension. La caméra portée et les plans flous rendent en outre parfaitement compte de la course naïve et confuse d’un ouvrier à bout et confèrent une dimension authentique et pathétique, aux bruits haletants de sa respiration. L’insouciance et l’innocence de Léo contrastent avec la souffrance de Bruno. Le regard désarmé de l’enfant autour de cette violence et la relation entre les deux protagonistes, que le titre même invite à rapprocher, relativisent le propos.
Le court métrage entend dépeindre une lutte sociale menant à l’irréparable pour redécouvrir l’humanité. Le film est une tentative pour comprendre la violence. Comme l’a déclaré le réalisateur, lors de la cérémonie des César, « quand une colère s’exprime, elle a toujours une source quelque part. Je pense que c’est important de chercher la source plutôt que de répondre à la violence par la violence et de la juger trop vite ».
Jan Hammenecker (Bruno), subtil et touchant, incarne avec justesse la détresse de la lutte ouvrière. Il faut saluer également la difficulté que présupposaient la mise en scène et le montage pour capter les émotions et les réactions du tout jeune Émile Moulron Lejeune (Léo), 2 ans au moment du tournage, dont le résultat est particulièrement réussi !
Ainsi, sur fond de crise socio-économique, ce film offre un suspense intense, qui lui a valu, entre autres, le prix du meilleur scénario au Brussels Short Film Festival ainsi que le César du meilleur court métrage 2019. Quinze minutes touchantes et puissantes qui révèlent un réalisateur passionné et poétique.