L’expo d’un siècle à l’autre
Depuis son inauguration, la gare Calatrava ne cesse de multiplier les expositions marquantes. Ainsi se souvient-on de « SOS Planet » ou de « Golden Sixties », qui avaient attiré en Cité ardente pas moins de cinq cent mille visiteurs. Ouverte depuis le mois d’août, l’expo « J’avais 20 ans en 14 » pourrait également battre des records de fréquentation.
2014 est l’année de la commémoration. Celle, évidemment, des cent ans de la Grande Guerre, comme l’Histoire l’a nommée. Des hommages sont rendus aux quatre coins de l’Europe ; des ouvrages et des films paraissent ; des expositions se créent. Pourtant, ce n’est pas seulement un bien triste anniversaire qui est ici remémoré, mais davantage un devoir, celui de la mémoire. L’installation, ancrée au cœur de la gare des Guillemins, s’inscrit dans cette perspective : « Comment pourrions-nous imaginer notre devenir sans nous appuyer sur nos souvenirs, y compris et peut-être surtout les plus tragiques et douloureux ? » , s’interroge André Gilles, le président d’honneur du comité des commémorations de la Première Guerre mondiale en Province de Liège. L’exposition tente de répondre, indirectement, à cette problématique.
Comme pour les autres installations de la gare Calatrava , la scénographie de l’infrastructure a été intelligemment pensée. Les commissaires de l’exposition ont souhaité aborder la Première Guerre mondiale suivant différents points de vue : « Comprendre la Grande Guerre, en donnant la parole aux différents acteurs du conflit : les chefs d’armées et les soldats, les médecins, les civils, les artistes, les résistants et les vainqueurs. » L’exposition ne se limite donc pas uniquement aux aspects militaires, mais aborde différentes facettes : la vie des citoyens, la vie culturelle, les avancées de la médecine, les questions éthiques, etc. La structure de l’expo a ainsi été pensée en sept thèmes qui permettent au spectateur de voyager dans l’installation en abordant simultanément plusieurs perspectives. Chaque salle propose des vestiges d’époque rares et peu présentés au grand public, comme ces ustensiles de cuisine de soldats envoyés au front. Les commissaires de l’exposition n’ont pas hésité non plus à reproduire, en grandeur nature, des chambres d’hôpitaux ou de véritables tranchées. Là aussi, les détails, même les plus insignifiants de prime abord, apportent un sentiment de réalisme bluffant.
Cette exposition est donc extrêmement riche. Un audioguide et des cartels fournissent le contexte historique tandis que des objets d’antan nous rappellent les conditions de vie d’époque. Peut-être s’étonnera-t-on de voir la vie culturelle limitée à la personnalité de Cocteau. Peut-être n’a-t-on pas vraiment besoin d’une reproduction d’un rat dans un baraquement ou d’une fausse flaque d’eau pour comprendre les atrocités de cette guerre. Peut-être n’a-t-on pas nécessairement besoin d’une reproduction sonore des bombardements pour se souvenir des morts qu’ils ont causés. Le débat reste ouvert. Et si la frontière entre pédagogie et « exporéalité » est parfois ténue, l’exposition « J’avais 20 ans en 14 » reste néanmoins une manifestation pour le moins instructive.