L’odyssée artistique
Avec De battre mon cœur s’est arrêté , Jacques Audiard propose un thriller aux teintes dramatiques, un film d’action aux tendances romantiques, du suspense, mais aussi des mœurs. La trame du récit verse dans tous les genres sans jamais s’accomplir pleinement dans aucun d’entre eux. Mais c’est sans doute ce qui fait la richesse de l’œuvre.
La productivité artistique s’épanouit lorsqu’elle est en prise avec quelque chose, un objet, un sujet ou une pensée. Mais elle s’épanouit aussi lorsqu’un artiste est conscient du regard qu’il porte sur le monde, ainsi que sur lui-même. D’un film à l’autre, un cinéaste modifie ou non cette conscience ; d’un film à l’autre, nous pouvons, nous spectateurs, nous permettre de mettre son œuvre en perspective. Passons alors au crible Jacques Audiard, fils (presque) prodige.
Tom travaille dans l’immobilier. Disons-le d’emblée, les méthodes que ses associés et lui emploient pour mener à bien leurs activités sont extrêmes, pas toujours très nettes, parfois carrément malhonnêtes. Cela donne rapidement de Tom l’image d’un jeune gars sûr de lui, sans beaucoup de scrupules et donc sans beaucoup de sensibilité. Son père a d’ailleurs le même profil que lui, un homme ayant une longue expérience professionnelle dans l’immobilier frauduleux et ne voyant pas d’inconvénient à en venir aux poings pour obtenir l’argent qu’on lui doit.
Derrière ce mur de nonchalance et de sarcasme qui semble être un trait de famille, les émotions de Tom demeurent insaisissables. Dès les premières images du film, il apparaît comme un personnage continuellement agité, tendu, effet constamment rehaussé par une image très mobile . On en vient rapidement à penser que sous cette nervosité se cachent tous les sentiments qui bouillonnent en lui mais auxquels on n’a pas accès. La caméra nous taquine d’ailleurs sans cesse avec de nombreux plans rapprochés sur le personnage, censés nous révéler ces émotions qui continuent pourtant à nous échapper.