Marie-Lou-Le-Monde est un roman-poème qui plonge le lecteur dans une histoire d’amour au rythme envoûtant. Au fur et à mesure que les pages se tournent, le soleil du sud de la France est toujours un peu plus brûlant. Tout comme la narratrice qui, elle, l’est de désir pour Marie-Lou.
Il s’agit du premier roman de Marie Testu, jeune écrivaine et diplômée en philosophie de l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne. Elle a pensé l’histoire de Marie-Lou en vers libres. La structure irrégulière cadence le récit de sorte à ce que le lecteur ne soit pas confronté à un long poème monotone. L’aventure est rythmée, les pages sont peu remplies et se dévorent en un rien de temps. Bien que peu courant, le roman versifié ne date pas d’hier. L’ Odyssée d’Homère, œuvre célèbre de la mythologie grecque, est composée de 24 poèmes (ou chants) racontant le retour d’Ulysse sur l'île d’Ithaque après la guerre de Troie. Plus récemment, Sarah Crossan a mis en poésie la vie de Grace et Tippi, deux sœurs siamoises qui entrent au lycée pour la première fois dans Inséparables .
Dans Marie-Lou-Le-Monde , Marie Testu n’a besoin que de quelques vers, de figures de styles sans prétention et de 117 pages pour conter l’idylle de deux adultes en devenir. Bien qu’il s’agisse du premier roman de l’auteure, le fond et la forme s’accordent parfaitement. En effet, la passion ne se définit pas ; elle se vit. C’est donc en un nombre suffisant de mots mais en évocations plurielles d’images, de sons et d’odeurs que l’indescriptible est décrit et que l’indicible est dit. L’exaltation des sens referme le chapitre de l’enfance de la narratrice qui se laisse choir dans les affres de celle qui apprend l’amour à son insu, mais qui éveille le désir en son âme et conscience. « Elle voit qu’elle est regardée / Elle sait / L’effet qu’elle a / Elle sait / Que ce soir c’est elle et qu’elle c’est / Le soir. »
Des pages blanches interrompent les épopées des deux jeunes femmes. Marie Testu laisse au lecteur l’opportunité d’imaginer la suite de la dernière strophe avant d’entamer la suivante. Ces silences titillent également la temporalité, un peu comme cette adolescente mystique, cette Aphrodite moderne capable d’intimider les horloges en jouant avec le temps car « tout commence et tout finit toujours par Marie-Lou ».
Au-delà de l’excellent choix des mots, il est à noter que même celui de la couverture est minutieux. Le clair-obscur qui la compose évoque certes les soirées estivales mais également la personnalité de cette muse dont on pense tout savoir (la clarté) bien qu’on en sait très peu (l’obscurité). La mélancolie qui s’y mêle surplombe également l’histoire. Marie-Lou est partout. Néanmoins, elle reste insaisissable et peut s’en aller à tout instant. L’aimer, c’est prendre le risque de la perdre. « Je lui demande si on restera ensemble / Elle me dit / Chaque parole est une promesse mais parfois / Les mots se perdent. » Après tout, l’incertitude est ce qui rend l’amour si séduisant et la fougue s’empare toujours des cœurs jeunes et purs. Rimbaud écrivait d’ailleurs : « Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser. »