Pour Philomena
Avec Philomena , Stephen Frears ( The Queen ) se penche sur une histoire vraie, celle de Philomena Lee, à la recherche d’un fils qu’elle a abandonné cinquante ans auparavant. Un film bouleversant qui mêle les genres et les tons et où l’on passe « du sourire aux larmes ».
En Irlande, au milieu des années 1950, les distractions ne sont pas nombreuses pour les jeunes filles. Heureusement, il y a les fêtes foraines. C’est là que Philomena Lee rencontre, au hasard des attractions, un jeune homme avec qui elle a une première aventure amoureuse. Enceinte de cet inconnu, elle est envoyée au couvent de Roscrea, pour cacher son « péché ». Elle accouche, dans une terrible douleur, d’un garçon, Anthony. Moyennant un laborieux travail dans la blanchisserie du couvent, elle et son fils sont logés et nourris par les sœurs de Roscrea pendant quelques années. Anthony, à l’âge de quatre ans, sera adopté par un couple de riches Américains. Philomena n’entendra plus jamais parler de son fils.
C’est ce terrible secret qu’elle avoue, cinquante ans plus tard, à sa fille Sally. Ce soir-là, lors d’un cocktail mondain où elle travaille comme serveuse, Sally rencontre justement Martin Sixsmith, un ancien journaliste à la BBC. Martin s’est fait renvoyer de son poste de conseiller politique à Downing Street. Pour reprendre sa vie en main, outre le jogging, il entame la rédaction de l’histoire de la Russie, sujet ennuyeux qui lui permet de garder la tête haute lors des dîners auxquels il est toujours convié. Touchée par le témoignage de sa mère, Sally demande à Martin de les aider à retrouver Anthony.
Pour pimenter quelque peu sa vie devenue trop rangée, et bien qu’il ait toujours désavoué les « témoignages vécus », Martin accepte de rechercher le fils de Philomena et d’écrire leur histoire. Commence alors des premières investigations, principalement menées au couvent Roscrea. Mais les sœurs n’ont guère envie de collaborer avec le journaliste. D’ailleurs, un providentiel incendie a brûlé toutes leurs archives. Heureusement aidé par quelques amis, Martin trouve une piste, à Washington…
Qu’on ne s’y méprenne pas : le dernier Stephen Frears est bien plus qu’un film dramatique mettant en scène les dernières volontés d’une infirmière à la retraite. Philomena mêle les genres et les tons, grâce notamment à la superbe interprétation des deux acteurs principaux, Judi Dench et Steve Coogan. Tous deux arrivent à dépasser les stéréotypes de leur personnage — la vieille dame accro aux histoires d’amour et le journaliste intellectuel blasé — et à les faire évoluer au fil des nombreux rebondissements de l’histoire qui alterne flash-back et événements contemporains. Ce sont d’ailleurs ces va-et-vient temporels qui apportent un vrai rythme à l’histoire.
Différents élèments de la mise en scène contribuent également à créer une proximité entre les deux acteurs et le spectateur. La répétition de courts plans, privilégiant une focalisation directe sur le couple d’acteurs, dans des lieux confinés (comme la voiture ou les chambres d’hôtel) est, par exemple, un choix astucieux qui crée une vraie intimité. Et cette intimité contribue encore davantage à nous impliquer, sans le vouloir forcément, dans cette quête personnelle.
Néanmoins, s’il fallait émettre une critique sur l’écriture du scénario, elle serait éventuellement à trouver dans ces nombreux enchaînements de coïncidences qui, par endroits, rendent l’histoire moins crédible et réaliste. Un détail, tant la qualité de ce dernier opus de Stephen Frears est indéniable. Chacun sort changé de ce périple, entre une Irlande catholique et une Amérique encore très traditionnelle. L’Église moderne, la politique américaine, la question de l’adoption, l’homosexualité sont autant de sujets qui sont traités avec subtilité et justesse.
L’intelligent Stephen Frears a su trouver un équilibre et une ouverture dans la chute de son film : « Je ne veux pas de scandale », répétera Philomena. Frears raconte, expose, mais ne juge pas. Le sujet est encore trop sensible. Et si l’on est à ce point conquis et émus par le témoignage de Philomena, c’est aussi grâce au subtil mélange de tons dans la narration, entre humour « british » et émotion bien dosée.