critique &
création culturelle

    Rétrospective culturelle 2022

    Les coups de cœur de Massimo Galasso

    Mon année 2022 a dansé sur les thèmes de l’amour, de la découverte, de l’échec, de l’acceptation de soi...

    Moussa , Prince Waly — 30 septembre

    « Le Walygator continue son marathon ». Pour son premier album après trois ans d’absence, le prince nous livre un prêche, un témoignage de sa traversée en enfer. Il nous parle de mort, d’amour, d’échec, de trahison, de croyance en Dieu, en soi... Les sujets abordés sont durs et directs, posés sur des prods sombres. L'ambiance est menaçante et pourtant, Waly nous prend par la main tout le long pour un voyage vers l’espoir et la lumière avec sincérité et générosité. Le projet sonne comme une lettre à tous·tes celleux qui se sont perdu·es eux-mêmes, qui cherchent leur place dans un monde où il est important de se définir auprès des autres. Une ode aux deuxièmes chances.

    Le rappeur représente évidemment fièrement son école. L’écriture est précise et on sent un réel plaisir de sa part dans l’exécution de l’exercice. Des couplets à rallonge, du storytelling , des schémas de rimes complexes, des structures de morceaux audacieuses et des références à « tire-walygot ». Waly prend des risques et il excelle . Moussa est une réelle réussite, une belle promesse pour l’avenir.

    Longo maï , Enchantée Julia — 3 juin

    Le 3 juin dernier, Enchantée Julia a fêté l’amour des siens avec groove et liberté dans son EP . Durant cette écoute, je danse les larmes sur les joues la main sur le cœur. L'atmosphère est si douce, bienveillante. Le vent est chaud, ce retour de la néo-soul et du rnb en francophonie est agréable. Le projet donne envie de s’accorder le bonheur, de passer de doux moments avec ses proches, de profiter de ce qui nous est simple et accessible. Tout ceci semble certes kitsch mais c’est ici que brille la force de la chanteuse bretonne. Quand je pense à Enchanté Julia, je ne peux m’empêcher de penser à Kundera (sans les côtés problématiques de l’auteur) : nous avons tous·tes notre côté kitsch et une fois celui-ci assumé, nous accédons à une beauté simple mais puissante. Longo Maï est un projet qui m’accompagnera longtemps étant donné la rareté de la soul dans nos paysages musicaux.

    « Que la neef », Grünt radio

    Voilà ce qui fait que j’écris aujourd’hui et que j’ai bien mangé cette année. J’ai bien mangé car j’ai souvent écouté cette émission en cuisinant et j’écris aujourd’hui car cette émission m’a redonné le goût à la critique musicale. La chroniqueuse Neefa est si drôle et généreuse. En parlant des artistes qu’elle diffuse, elle parle d’elle et en parlant d’elle... « Que la neef » est une émission radio en deux parties : elle expose dans la première ses récents coups de cœur et interview un·e artiste de son choix dans la deuxième.

    Contrairement aux médias habituels qui essaient de collaborer avec tout le monde, Neefa nous parle de ce qu'elle aime. Juste ses coups de cœur. C’est un vent de fraîcheur d'entendre quelqu'un parler avec autant de passion. Sa démarche peut paraître égoïste, pourtant le fait d'avoir une sélection si personnelle et des anecdotes intimes autour du contexte de son écoute, nous en apprend plus sur l'artiste présenté·e plutôt que l'habituel CV conventionnel déballé en début d’émission. Avoir de sa personne dans ses critiques nous donne encore plus envie d’aller écouter ce qu’elle nous partage : nous recevons une compréhension différente de l’identité de l’artiste. Ce lexique, cette énergie, cet amour et cette connaissance de la culture, son franc-parler, son émerveillement... Neefa a enfin brillé cette année avec son hebdo que vous pouvez retrouver en rediffusion sur l’application Grünt .

    Leçon2princess , babysolo33 — 2 septembre 2022

    Le nouveau sublime. Le deux septembre 2022, Babysolo33 sort le clip « leçon2princess » issu de son projet Sadbaby Confession . Une esthétique glitter typique des années 2000, un groupe de copines, une décharge, une Playstation 2 et un magasin de vêtements de seconde main :  la chanteuse nous conte sa vision de la réussite à travers le bling-bling, l’indépendance et sa relation avec ses copines. Le morceau est très froid, autant dans l’interprétation que dans l’écriture, l’imagerie et l’instrumental. Tout semble réfléchi minutieusement : la cohérence entre tous les éléments est bluffante :L’instrumental moderne et rétro avec ses percussions brutales de verre brisé, ses synthés 80’s, les vox qui donnent un côté épique... On se laisse porter par un univers onirique et festif : je suis très impressionné par tout ce que cette prod arrive à faire ressortir.

    Le clip vidéo est sublime.. Sublime car ce qui nous y est conté et projeté par l’image est très solide. Babysolo parle avec conviction, les deux groupes de filles sont très sérieux et semblent suivre une mission. Cela dit, l’ambiance est planante, l’esthétique photographique floue et lumineuse. Le visionage est à la fois revigorant, puissant et apaisant.

    Chaos kiss (01 avril) et Chaos kiss tour , Makala

    Le meilleur pour la fin... Le 1er avril, mon rappeur préféré sort ce qui est évidemment « objectivement » le meilleur album de l'année : Chaos kiss . 1 6 titres, un producteur, 3 featurings : Makala, rappeur-chanteur-auteur-compositeur-réalisateur suisse est au top de sa forme, toujours accompagné par son frère de cœur et de musique, Varnish la piscine. Ce projet est une mise en garde pour tout le rap game . La surprise est au rendez-vous à chaque piste… Les sujets sont abordés de manières toujours plus inattendues, imprévisibles. Je pense notamment au morceau « Lardz », qui est une ballade ou Mak s’adresse, des sanglots dans la gorge et des violons dans le dos, à toutes personnes lui devant de l’argent. Les rimes surprennent encore plus grâce à sa maîtrise du silence et ses placements ingénieux. On sent une réelle évolution dans sa gestion en comparaison son premier album, Radio Suicide . Le Suisse utilise ses placement pour créer du suspense et se permet même l’audace de ne pas rimer sur certains morceaux pour livrer un sentiment de chaos maîtrisé, le Chaos Kiss . Mak s’impose en tant que maître de sa discipline et semble plus prêt que jamais à faire briller son pays en invitant les jeunes têtes de sa ville défendre leur ville, Genève. Chaos kiss m’a donné envie de créer, de croire en moi et de porter des vêtements bien trop larges pour ma personne. Ce 16 titres est là pour confirmer.

    Confirmation qui s’est suivie sur scène au Botanique, à Bruxelles lors de la dernière date de sa tournée, le 10 décembre. Deux heures et demie de show sans pause, sans backeurs et sans pistes vocales en fond. Une expérience sportive et artistique très inspirante au niveau de l’exigence. Le show n’étant pas répété, chaque représentation reste unique. C’est-à-dire que son DJ, Sebastiao Lopes, lance les morceaux et leurs modifications selon son ressenti et l’interprète est donc constamment sur le vif et prêt à rebondir sur n’importe quel événement. Ce concert était une grande célébration de soi et j’en repars avec beaucoup d’espoir et d’énergie. Le roi des pirates, ce sera Mak !

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