Robert Adams
Le 18 mars 2018, à la Fondation A, haut lieu de la photographie documentaire à Bruxelles, se clôturait une exposition dédiée à Robert Adams. L’occasion pour la fondation et Hartmann Books d’éditer un nouvel ouvrage consacré au photographe américain : Robert Adams, Hope Is a Risk that Must Be Run .
L’exposition est baptisée A Right to Stand en référence à la citation d’une travailleuse migrante, interrogée par Dorothea Lange, dans le cadre de la mission photographique lancée par la Farm Security Administration lors de la Grande Dépression. Celle-ci défendait le droit de tout homme d’exister et de se tenir droit : « A human being has the right to stand like a tree has a right to stand. »
L’exposition met en lumière Cottonwoods , No Small Journeys, Across Shopping Center Parking Lots, Down City Streets et Our Lives and Our Children, Photographs Taken Near The Rocky Flats Nuclear Weapons Plan , des pans souvent méconnus de l’œuvre de l’artiste, loin de sa photographie d’architecture et du territoire de l’Ouest américain.
Le natif du New Jersey s’est penché sur la notion de paysage dans l’ensemble de son œuvre : il a de ce fait été exposé avec les Bescher, Nicholas Nixon et Stephen Shore, entre autres, lors de la célèbre exposition New Topographics : Photographs of a Man-Altered Landscape , consacrée à l’archivage photographique de l’évolution de paysage au cours du temps, témoignant de l’empreinte de l’homme sur l’environnement.
Ancien professeur de littérature anglaise, Adams s’intéresse à la photographie depuis les années 1970 et s’exprime exclusivement à travers la photographie argentique en noir et blanc, autant en 35 mm que dans des moyens formats comme le 6 x 6 ou le 6 x 7.
L’exposition s’ouvre sur Cottonwoods , le projet du photographe dédié au peuplier du Colorado. Ici, l’arbre majestueux, sacré pour les Amérindiens, s’anime au fil des saisons tel un symbole de la nature traversant le temps et l’espace. Comme dans sa photographie en zone périurbaine, Adams joue avec le contraste, de l’écorce aux ombres des branchages, nous invitant à entrer dans le cadre et à faire le plein de vitamine D, assis sous le feuillage, le visage caressé par la lumière. Adams ne fait cependant pas dans la carte postale au contraire d’Ansel Adams au Parc national du Yosemite − photographe avec lequel Robert Adams n’a par ailleurs aucun lien de parenté.
Les tirages sont d’une très grande qualité, avec peu ou pas de retouche. L’ensemble des valeurs de gris est présent.
À la suite de Trees d’Eugène Atget, Adams n’est pas le seul à avoir consacré sa photographie au règne végétal : Joël Meyerowitz a dédié un livre aux arbres des parcs de la Grosse Pomme et Lee Friedlander a publié Flowers and Trees.
L’exposition se poursuit dans la grande salle de la Fondation A qui regroupe des photographies prises par Adams entre 1979 et 1982, issues de ses livres Our Lives and Our Children, Photographs Taken near the Rocky Flats Nuclear Weapons Plan et No Small Journeys, Across Shopping Center Parking Lots, Down City Streets . On y retrouve la préoccupation écologique exacerbée, quasi militante, du photographe.
Le premier livre est consacré aux habitants de la banlieue de Denver jouxtant l’une des plus importantes usines à ogives nucléaires des États-Unis. Le second ouvrage regroupe des instantanés capturés sur les parkings de supermarchés et autres centres commerciaux.
Les photographies sont prises à la volée, l’Hasselblad dissimulé, d’où la légère contre-plongée. Adams dépeint des moments d’insouciance et de (sur)consommation, à une époque où les enfants s’égayent librement. Les familles en tenues et coiffures rétro, surprises dans un contraste-sujet très doux, rythment harmonieusement les murs épurés de la Fondation A, décorée à la Malevitch.
Le manque de netteté des clichés est cependant techniquement discutable et les photographies ouvertement recadrées frôlent l’hérésie dans le monde codifié de la photographie.
Ces deux ouvrages peuvent ressembler à une leçon de street photography , mais on recommandera plutôt aux puristes du genre Women Are Beautiful et The Animals de Garry Winogrand ou encore le recueil éponyme de Joël Meyerowitz.
L’exposition est un véritable délice pour les yeux. La Fondation A, temple du documentaire où se marient silence et images, invite à la méditation. Loin des grandes institutions et des galeries mondaines, la configuration intimiste des lieux et la simplicité de la mise en scène enveloppent le visiteur qui ressort nourri d’images oxygénées et lumineuses. Quel dommage que l’exposition n’ait pas été prolongée !