critique &
création culturelle

Siân Davey

Instincts maternels

Rien ne prédestinait Siân Davey à devenir photographe. Pourtant, après après avoir exercé la psychothérapie pendant quinze ans, la britannique s’est fait rattraper par son talent photographique : en 2014, elle a conquis le coeur de la critique internationale avec Looking for Alice , série d’images consacrée à sa fille cadette, porteuse de trisomie 21.

C’est par l’intermédiaire de l’objectif de son appareil photo, que Siân Davey a apprivoisé le regard qu’elle portait sur sa fille. Cette exploration intrafamiliale est cathartique, non sans rappeler le rapport mère-fille des œuvres de Louise Bourgeois, dont la rétrospective à la Tate Modern en 2007 avait été un véritable déclic artistique et créatif pour Siân Davey.

C’est l’été. Alice est assise sur la terrasse, adossée à un mur de crépis. Sa moue est boudeuse, son regard perdu dans le vide.

Davey saisit, au moyen format (avec des négatifs 6 x 7), le regard bleu et grave de sa fille et fera de ces instants capturés un livre d’images d’une tendresse inouïe, publié chez Trolley Books.

Avant la naissance d’Alice, Martha, la belle-fille de la photographe, était sa première muse. Jalouse de l’attention soudaine accordée à sa demi-sœur, l’adolescente s’insurgea : « Why don’t you photograph me any more? »

Mère et fille passent alors un marché : Siân Davey photographiera Martha à condition que celle-ci l’introduise auprès de son groupe d’amis.

Entre les sorties à la rivière et les portraits dans leur demeure rurale, le corps de Martha se métamorphose. L’impeccable modelé de la lumière et la douceur de la pellicule couleur la transforment en figure virginale à l’âme d’adolescente effrontée, ado qui, contrairement à sa jeune sœur, est tout à fait consciente du pouvoir de l’image. Les regards et les sourires dissimulés se font complices.

Plus qu’un simple portrait de famille, la série Martha témoigne de la jeune génération des zones rurales du Devon, dans le Sud de l’Angleterre.

Siân Davey n’est bien entendu pas la première mère à photographier ses enfants. L’américaine Sally Mann avait créé la polémique dès 1992 avec Immediate Family photographies de ses enfants jugées trop suggestives. La photographe Annie Wang se réappropriait la séquence selon Duane Michals dans The Mother as a Creator . En Belgique également, la photographe Anne de Gelas livrait un portrait singulier et intimiste du deuil partagé dans Mère et Fils , livre sur le mode du carnet photographique édité chez Loco en collaboration avec l’Espace Contretype où la série avait été exposée à l’hiver 2017.

Siân Davey complète actuellement cette collection d’images familiales en consacrant son nouveau projet à son fils, Joseph. Celui-ci refusant d’entraîner sa mère au quotidien dans son sillage, c’est à la chambre technique que l’artiste le photographiera. Cette nouvelle approche révélera, à coup sûr, une nouvelle facette de son talent. L’honnêteté de Siân Davey est désarmante et fait voler en éclats le tabou de la dépression post-partum et du handicap.

https://www.instagram.com/siandavey1/

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