Sueurs froides, cauchemars, sanglots et frayeurs sont au rendez-vous d’un film d’horreur sortant des carcans de la série B. James Wan érige de nouvelles règles : faire peur et ne pas relâcher la pression…
Sueurs froides, cauchemars, sanglots et frayeurs sont au rendez-vous d’un film d’horreur sortant des carcans de la série B. James Wan érige de nouvelles règles : faire peur et ne pas relâcher la pression…
The Conjuring raconte l’atroce histoire d’Ed et de Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier et venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée. Contraints d’affronter une créature démoniaque d’une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l’affaire la plus terrifiante de leur carrière.
Soyons honnêtes, les films d’horreur, il en sort treize à la douzaine par an, qui ressemblent le plus souvent à une vaste blague. The Conjuring est extrêmement efficace, même s’il ne révolutionne en rien le genre. James Wan, le réalisateur, en est passé maître. Il en a fait sa spécialité, car sa courte carrière n’est presque peuplée que de films de ce type : Insidious, Annabelle, Dead Silence, Saw … autrement dit, des films d’horreur à la sauce hollywoodienne. Mais dans The Conjuring , il sort son épingle du jeu. Sa grande force, c’est la volonté permanente de remettre en cause les repères qu’on croyait avoir acquis, une qualité remarquable pour le cinéma d’épouvante ; de plus, il le fait de manière très créative (les plans de renversement et les jeux d’ombre trompeurs, par exemple).
Wan construit minutieusement son récit, distille ses éléments horrifiques, pense sa mise en scène, regarde ses personnages : il fait du cinéma. Ça paraît évident, ça ne l’est pas tellement quand on pense au gros de la production horrifique récente venue des grands studios ( Knock Knock d’Eli Roth, Krampus de Michael Dougherty et la pathétique reprise des années 1980, Poltergeist de Gil Kenan). Pourtant, Wan n’invente rien. Les fantômes et les esprits, ce n’est pas un sujet neuf, surtout après le succès des Paranormal Activity ; il a fallu frapper fort. La réussite publique de The Conjuring , c’est aussi un retour aux sources. Ici, ce qui le différencie des autres films du genre, ce sont les nombreux silences qui construisent l’atmosphère du film. Ajoutons à cela une gestion de la créature et du monstre imaginaire, qui est la substance même du cauchemar ancestral, et le spectateur se sent vulnérable et en totale insécurité. Voici donc tous les ingrédients d’un bon film d’horreur.
L’histoire se déroule dans les années 1970, âge d’or du cinéma d’horreur 1 . De la typo du générique à l’utilisation vintage de zooms (zooms que seul Hong Sang-Soo, ou presque, utilise encore aujourd’hui), The Conjuring est un hommage amoureux aux classiques du genre.
Classique, le film de James Wan l’est assurément. C’est un festival de planchers qui craquent, de boîtes à musique lugubre, de portes mal fermées et surtout de verbiage religieux ronflant… Mais est-ce un problème ? Pour ceux qui n’arriveront pas à voir au-delà, oui. Les archétypes sont nombreux, mais ils sont utilisés avec habileté. Wan et ses scénaristes n’ont pas eu besoin de recourir à des personnages stupides pour résoudre les problèmes du script. Lorsque Lili Taylor, pétrie de peur, sent une menace dans son sous-sol glauquissime, elle agit comme tout le monde le ferait : elle y jette un œil, mais n’y descend pas. Le jeu des acteurs est très juste, et le casting également. Les acteurs sont dans l’ambiance et entrent dans leur rôle à la perfection.
Wan va au-delà des règles du cinéma d’épouvante hollywoodien. Il s’approprie un rythme scénaristique bien à lui en ne poussant pas trop sur le trouillomète et en laissant monter le suspens (le début du film est très posé et peu angoissant, les visions horrifiques se déploient peu à un peu jusqu’au climax… qui ne retombe jamais !). Il impose une exposition large, c’est-à-dire des plans généraux et des plans-séquences très ambitieux, pour combler les vides. Le spectateur n’a pas souvent de répit dans l’angoisse, car il est sans cesse dans la surprise et dans l’appréhension.
La bande originale en trompettes vrombissantes, d’inspiration très Shining d’ailleurs, donne directement le ton. Le réalisateur contraint la peur à envahir le spectateur dès le départ, malgré une narration qui commence doucement. La pression n’est jamais relâchée.
L’esthétique du décor est gérée de main de maître, et est renforcée par une caméra qui investit l’espace avec une dextérité destinée à prouver l’ultime sentiment de peur.
Comme dans Insidious , précédente réalisation de Wan, le bestiaire fantastique est riche. Les fantômes de toutes sortes pullulent, à l’image du nombre impressionnant de reliques hantées conservées par les personnages principaux (incarnés par Vera Farmiga et Patrick Wilson) dans leur musée des horreurs. Autant d’éléments archétypaux (une poupée démoniaque, une armure de samouraï fantôme), autant de promesses de récits, de portes vers l’imaginaire. Wan travaille les éléments universellement phobogènes et reprend les codes des « peurs de l’enfance » : jouets fonctionnant seuls, couverture tirée par un fantôme…
The Conjuring faiblit un peu dans son dénouement, plus criard, plus dispersé avec une fin décevante et bâclée. Mais tout ce qui précède est un vrai bijou : un beau film d’horreur élégant, intelligent, effrayant — que les autres en prennent de la graine.
https://www.youtube.com/watch?v=k10ETZ41q5o