Aux prémisses de sa création, le parc d’attraction Disneyworld en Floride était appelé The Florida Project . Le réalisateur Sean Baker consacre une fiction sociale aux habitants des motels aux abords du célèbre parc à thèmes.
Sean Baker ( Tangerine, Starlet, Prince of Broadway ) met en scène Moonee (Brooklynn Kimberly Prince), six ans, qui vit avec sa mère, fumeuse de joints, au Magic Castle Motel. Sous le soleil brûlant d’Orlando, Moonee est livrée à elle-même au quotidien dans un environnement acidulé mais cruel. Insouciance, bonne humeur, couleurs pop ultra-saturées, cornets de glace et langage argotique sont au programme dans cet hommage aux Petites Canailles , série américaine suivant les aventures d’enfants pauvres à l’époque de la Grande Dépression.
Vous l’aurez compris, dans The Florida Project , le spectateur appréhende l’histoire du point de vue naïf d’un enfant, comme dans la comédie musicale Annie ou le drame Room avec Brie Larson et Jacob Tremblay. Brooklynn Kimberly Prince est une jolie découverte. Malgré quelques discrets regards caméra, l’actrice précoce a un sacré bagout. Crédible, pétillante et malicieuse, sa performance rappelle celle d’Abigail Breslin dans Little Miss Sunshine en 2006. Willem Dafoe se distingue lui aussi dans la peau du concierge bourru et protecteur, ce qui lui a valu une nomination pour l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.
Pour The Florida Project , Baker a joué la carte de l’authenticité : les figurants sont des habitants des environs du lieu de tournage et Bria Vinaite, actrice amatrice qui interprète la fille-mère tatouée de Moonee, a été repérée sur Instagram. Même si le réalisateur a évité toute trace de misérabilisme, certains passages font mal au ventre : ce « Project » immobilier, initialement vendeur de bonheur et de rêve, est devenu l’unique refuge de véritables familles.
Ces complexes immobiliers sont omniprésents, le film ayant été exclusivement tourné en décors réels. Les architectures colorées des zonings industriels sont déformées par le grand angle de la caméra défilant presque continuellement. L’image prenant malheureusement le pas sur l’intrigue qui peine à décoller. Le scénario de Sean Baker et Chris Bergoch est faible : même si le pitch de départ est attrayant, on se retrouve face à un néant scénaristique et une énième épée de Damoclès des services sociaux sur grand écran. Les lenteurs accentuent certes la perception de l’ennui chronique du quotidien de Moonee, mais les quelques épisodes anecdotiques n’ont pas suffi à titiller mon intérêt. The Florida Project avait pourtant l’étoffe d’un moyen métrage de haut vol. Je suis malheureusement sortie éreintée de la séance à cause de la véritable pollution sonore créé par les voix criardes et suraiguës des enfants acteurs.
Les influences de Ken Loach ( Land and Freedom , I, Daniel Blake , …), habitué du film social, sont bien là : The Florida Project est une comédie dramatique fataliste sur la situation précaire de ces familles, peinant à payer leur loyer et vivant la triste réalité du rêve américain.
Le réalisateur Sean Baker est encore un réalisateur en devenir : ses premiers films abordent la même thématique et les mêmes polices de caractère et couleurs ultra connotées sont utilisées pour Tangerine et The Florida Project . Ce recyclage presque systématique, qui peut constituer une marque de fabrique chez des cinéastes comme Woody Allen, donne comme une impression de déjà-vu chez ce jeune réalisateur prometteur qui fait ses classes dans la cour des grands de Hollywood en cherchant encore la combinaison gagnante.