Coïncidence étonnante : de Bruxelles à Charleroi, ce ne sont pas moins de dix troupes de théâtre amateur qui mettent à l’affiche Toc Toc de Laurent Baffie. Voilà qui pique au moins la curiosité. Quelle est la raison d’une telle faveur ? Nous avons posé la question à deux des metteurs en scène.
Si l’actualité de Laurent Baffie se passe sur les ondes aux Grosses Têtes de Laurent Ruquier, son métier d’auteur de théâtre se joue chez nous. Lorsqu’en 2005, il écrit Toc Toc , s’imaginait-il que sa comédie connaîtrait un tel engouement ? Traduction espagnole, reprise au Québec et en Belgique notamment par Daniel Hanssens et Pascal Racan. Dix ans plus tard, comme une maladie chronique, elle nous revient en force , et si vous n’avez jamais vu cette pièce décalée et ses personnages déjantés, vous n’aurez pas d’excuses, car entre avril et mai, pas moins de dix compagnies du théâtre amateur proposent leur propre vision des troubles obsessionnels compulsifs. De Charleroi à Bruxelles en passant par Liège, Toc Toc fait rire avec plus ou moins de réussite.
Le comédien (animateur-chroniqueur) surfe au gré des humours et des humeurs des directeurs qui l’engagent et le dégagent sur les ondes radiophoniques (Fun Radio, Rire et Chansons, Europe 1 et 2…) et à la télévision (France 2, Canal+…). Laurent Baffie couche aussi son talent sur un autre terrain de jeu : l’écriture. Un vague auteur en vogue qui dérange et s’arrange pour que cela se sache. Et s’il ne dérange pas, il s’arrange pour ne pas être rangé au placard et que son humour reste un pur produit de consommation. Dans 500 Questions que personne ne se pose , il se demande même s’il faut écrire des insanités pour faire rire les gens et s’interroge sur l’intérêt de poser des questions que personne ne se pose.
Sa recette composée d’ingrédients décalés, sucrés, salés, poivrés est aussi celle employée dans Toc toc où, selon les répliques, les scènes et les personnages, il choque, interpelle et agace, sans méchanceté, sans vulgarité, ou presque. Juste une intention avouée : celle de faire rire. En effet, cette comédie « psycho-médicale » est une succession de situations rendues burlesques par des échanges détonants. On ne peut que s’étonner, pourquoi ne pas s’esclaffer ?
Toc toc , c’est l’histoire de maladies plus que de personnages. Des affections souvent méconnues et rarement comprises, les troubles obsessionnels compulsifs. Gilles de la Tourette, nosophobie, écholalie, T.O.C. en tous genres : besoin de toujours tout vérifier deux fois, puis trois, puis… et enfin de ne plus vivre sans avoir vérifié et revérifié ou nettoyé et encore lavé, astiqué, purifié… Des drames personnels aussi pour ceux qui les vivent dans la réalité. Il existe d’ailleurs des associations qui proposent information et soutien aux familles et au grand public, organisent des conférences et publient des ouvrages (infos « Ligue Toc »).
Olivier Clément, metteur en scène au Théâtre du Chiche à Charleroi explique :
On se trouve face à des individus qui souffrent de leur handicap et on ne peut rester insensible à leur détresse. Les six personnages veulent absolument guérir et se débarrasser de leur T.O.C., par amour, par dépit ou dans l’espoir de vivre simplement normalement. Au-delà de cette dimension presque dramatique, c’est drôle d’assister à l’interaction des T.O.C. L’impression de se retrouver dans un monde de fous.
Comment cependant éviter le voyeurisme ou la grossièreté gratuite ? Avec un « Gilles de la Tourette » en scène, les injures fusent… Comment ne pas basculer dans la vulgarité ? Comment ne pas lasser le public avec un personnage répétant tout ?
Questions posées à Philippe Derlet, metteur en scène rencontré au Théâtre du Flétry à Genval :
Dans cette pièce, tout est écrit, je l’ai d’emblée annoncé, il ne reste plus qu’à dégager l’originalité pour faire de notre Toc toc un Toc toc différent. Si l’acteur entend cette base de jeu, il jouit d’une grande liberté ! De mon côté, j’ai travaillé à la loupe si je puis dire, en grossissant les situations pour les rendre plus étranges, mais pas moins subtiles… Une salle d’attente, ce ne sont pas que des chaises et des magazines, c’est aussi dans la tête des secrets et des attentes. L’attente, c’est le temps… Alors il y a des horloges, beaucoup…
Des horloges au théâtre ? Une gageure, car le temps sur scène n’est pas le même que dans la réalité ! « Je pourrais répondre du tac au tac que des « tic-tac » dans Toc toc , ça fait marrer. Et toc ! Plus sérieusement, le théâtre n’est pas la réalité. Le public joue le jeu de croire qu’on lui raconte une histoire vraie, mais n’ignore pas que c’est faux, mais peut-être pas, et qu’il y a des moments vrais, mais peut-être pas… Le vrai faux est aussi le faux vrai et vice-versa. Il y a tellement de réveils qu’aucun ne donne l’heure exacte sauf que peut-être que oui quand même à un certain moment… Vous me comprenez ? »
À vous de faire votre propre cure… sans avis médical…