Une ode au désespoir
Zardoz , conte philosophique, vision défaitiste de l’avenir de l’humanité. Film méprisé et critiqué. Malgré ses imperfections et son côté kitsh, Zardoz est un accès à la richesse de l’univers de John Boorman .
En l’an 2293, la Terre est complètement ravagée. La société est divisée en trois grandes catégories : les Éternels, qui forment l’élite érudite possédant le savoir absolu ; les Brutes, représentant les pauvres et les ignares ; et les Exterminateurs. Ces derniers n’ont qu’un seul but : massacrer et asservir les Brutes, sous les ordres de Zardoz, un gigantesque masque de pierre planant dans les cieux.
Zed, un Exterminateur doutant de sa foi envers son dieu unique, se cache dans le masque afin de trouver des réponses à ses questions.Zardoz n’étant qu’une invention des Éternels pour contrôler les autres castes, notre héros est transporté au cœur d’un clan a priori supérieur. Au fur et à mesure de l’aventure, il va tenter de briser ses chaînes en mettant en lumière les confusions de ce monde.
Un regard critique sur les classes sociales
Zardoz aborde de nombreux thèmes : la religion, ou plutôt les organismes sectaires (Zardoz est un dieu absolu contrôlant les populations, lui-même dominé par un groupe d’élus manipulateurs), le rapport entre les classes sociales et surtout, la décadence du monde. Pour en parler,
Boorman tente de mélanger la fable, le mythe et l’anticipation
, à travers une approche esthétique fidèle aux canons psychédéliques de l’époque.
Zardoz
est en effet l’expression d’un rêve éveillé, l’hallucination d’un paradis terrestre dans un monde imaginaire.
La mise en scène constitue ici un véritable « art de raconter ». Les effets spéciaux tels que les jeux de lumière ou les projections sur corps sont maîtrisés de manière saisissante. Tout comme l’utilisation de la plongée et de la contre-plongée est subtilement mise en œuvre , permettant de différencier les castes et de justifier le rapport de domination qui existe entre elles : les Brutes sont filmées en plongée, alors que les Éternels le sont en contre-plongée. Boorman exploite également les reflets ; ceux-ci symbolisent les différentes facettes des personnages de la société dans laquelle ils évoluent.
Une réalisation trop chargée ?
Zardoz
possède cependant quelques défauts. D’une part, l’ensemble des acteurs semblent être incontrôlables et manquer de cadre ; ils apparaissent perdus devant la caméra, et leurs différentes manières de jouer forment un mélange confus. Boorman n’y est sans doute pas étranger puisqu’il désire déconstruire et reconstruire certains codes cinématographiques et inventer ainsi un nouveau genre de cinéma.
Un cinéma du possible, sans aucune restriction.
Mais ses tentatives ne sont pas toujours visuellement réussies. Trop de tons sont utilisés (onirique, humoristique, série B, allégorique) pour aborder l’ensemble des sujets qu’il souhaite traiter. L’œuvre devient ainsi totalement étrange et déphasée !
Malgré une photographie vieillie et flashy (Sean Connery en slip rouge vaut le détour), Zardoz est un film intrigant et paradoxal. Tout au long, nous y découvrons avec Zed les différents univers qui constituent ce monde foncièrement sombre. Les Brutes sont des imbéciles soumis, tandis que les Éternels sont parvenus à un degré d’intelligence si élevé qu’ils en deviennent impitoyables. La connaissance serait-elle un fardeau ? Finalement, Zardoz est une ode au désespoir. Boorman nous montre qu’une liberté totale n’existera jamais, que le sauvage est au cœur du civilisé, et que l’être humain est voué à être sans cesse manipulé.
https://www.youtube.com/watch?v=kbGVIdA3dx0