Présenté hors compétition nationale au BRIFF, le Brussels International Film Festival , en 2018, Vent du Nord est le premier long-métrage de Walid Mattar, réalisateur originaire de Tunis. En arabe et en français, il y dresse le portrait de deux ouvriers de chaque côté de la Méditerranée.
À Wimereux, Hervé, interprété par Philippe Rebbot ( Les Bigorneaux , Normandie Nue , L’Amour flou …), refuse de participer au mouvement de protestation contre la délocalisation de l’usine de chaussures où il travaille et rêve d’une reconversion dans la pêche. En banlieue tunisienne, Foued (Mohamed Amine Hamzaou, comédien amateur et rappeur) reprend le poste de Hervé, une fois l’usine délocalisée. Le réalisateur explore parallèlement la relation père-fils de Hervé et Vincent, incarné par le génial Kacey Mottet Klein ( Comme des rois , Keeper , Continuer ) et l’idylle de Foued et Karima, une jeune collègue de l’usine.
Entre des allers-retours France-Tunisie qui entrecoupent et cassent le rythme du récit, ce drame social est loin d’être aussi percutant que I, Daniel Blake ou La Loi du marché qui traitent de l’absurdité du monde de l’entreprise et des administrations. La délocalisation de l’usine n’est ici qu’un prétexte pour lier les deux protagonistes, comme l’a fait remarquer le réalisateur lors du question-réponse après la séance. Et c’est bien cela le problème. En souhaitait comparer deux microcosmes auxquels il a été personnellement confronté, Mattar s’est détourné du sujet brûlant de la délocalisation. L’approche du cinéaste était pourtant alléchante, prenant le contre-pied de l’actualité en mettant en scène un ouvrier qui tourne le dos aux syndicats pour se consacrer à sa passion.
Vent du Nord , signé par les co-scénaristes de Petit Paysan , est un film deux-en-un, marqué par un déséquilibre scénaristique : l’histoire d’Hervé et de sa reconversion est plus développée que son pendant tunisien. L’intrigue tunisienne manque d’une étincelle pour rivaliser avec celle de Wimereux, qui aurait mérité un long-métrage à elle toute seule.
Walid Mattar s’est attaqué à Goliath en tournant ce film digne d’une hydre à deux tête. Ce cocktail, au pitch pourtant prometteur, n’atteint pas son plein potentiel et nous laisse sur notre faim. Vent du Nord reste cependant un drame sur la désillusion de deux hommes que tout oppose avec un point de vue inédit sur les primes de licenciement.