Zoom sur Roy Hargrove
La faculté d’adaptation fait partie du bagage d’un musicien de jazz. Mais Roy Hargrove appartient à cette minorité de virtuoses qui ont participé aussi bien à des productions soul, funk, hip-hop ou afro-cubaines. Si son goût pour la démesure frappe en premier, une écoute attentive nous dévoile un trompettiste aux mélodies raffinées...
Originaire du Texas, il débute le cornet à l’âge de 9 ans puis adopte rapidement la trompette. Il approfondit quelques temps son apprentissage à la Berklee School de Boston, avec le soutien de Wynton Marsalis, qui l’encourage depuis le lycée. Cette école mondialement réputée a mis en exergue des talents tels que John Scofield, Diana Krall, Quincy Jones ou encore André Manoukian. Ses influences sont résolument jazz : Clifford Brown, Lee Morgan, Freddie Hubbard, David « Fathead » Newman (saxophoniste chez Ray Charles). Son premier album Diamond In The Rough (1990, Novus) assume l’influence hard-bop des Jazz Messengers d’Art Blakey :
Il s’éloigne de sa zone de confort avec la formation Crisol, créée en 1996 et emmenée par le pianiste Chucho Valdés. L’album Habana (1997, Verve Records), hommage aux musiques latines, est récompensé d’un Grammy Award un an après sa sortie. Si ce disque ne révolutionne pas le genre, il s’inscrit dans le sillage de Dizzie Gillespie et Kenny Dorham. Chaque morceau possède sa propre identité, loin d’une classique exposition de thème suivie d’une exhibition de talents. On se plonge dans l’ambiance et on savoure chaque titre.
Au début des années 2000, il explore de nouvelles couleurs avec le projet The RH Factor. Les trois albums enregistrés avec cette formation à la fois soul, funk et hip-hop lui ont donné l’occasion de travailler avec un nouveau panel d’artistes : Common, Erykah Badu, Q-Tip, D’Angelo... A cette période, le mouvement neo soul — chant de l’âme accompagné de beats tranchants et d’harmonies audacieuses — est en pleine expansion grâce aux initiatives de Questlove (The Roots) et J Dilla, entre autres. On observe la participation de Roy Hargrove sur quelques disques majeurs du collectif Soulquarians : Like Water for Chocolate (Common), Voodoo (D’Angelo), Mama’s Gun (Erykah Badu)...
Parmi les nombreux autres projets et featurings , le trompettiste obtient un nouveau Grammy en 2003 pour l’album Directions in Music, Live at Massey Hall (en collaboration avec Herbie Hancock et Michael Brecker) et intervient sur l’album A Night in Monte-Carlo de Marcus Miller (enregistré en 2008, avec l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo). Le premier est un hommage à la musique de Miles Davis et John Coltrane, donc beaucoup moins « tout public » que Habana. L’auditeur averti (re)découvrira le style avant-gardiste de ces deux génies ; les moins mélomanes risquent d’être désorientés par la complexité harmonique et la virtuosité des solistes. Il faut dire que le casting est à couper le souffle : Brian Blade et John Patitucci assurent la section rythmique du quintet. L’album de Marcus Miller témoigne d’un mélange entre jazz et funk dont seul le bassiste a le secret. L’orchestre ajoute une profondeur, parfois subtile comme dans « So What », ou épique. Le titre « I’m Glad There Is You » conviendrait presque à une scène intimiste de Jacques Audiard.
Les plus nostalgiques apprécieront sa version du titre « Ev'rybody Wants To Be A Cat » sur la compilation Disney Jazz Volume 1 : Everybody Wants To Be A Cat (2011, Walt Disney Records).
Sa timidité sur internet fait de Roy Hargrove un ovni de l’industrie musicale, qui se contente d’une notoriété acquise au fil du temps. Avec une vingtaine d’albums enregistrés en tant que leader et plus de quarante comme sideman , en vingt-huit ans de carrière, il écume aujourd’hui les plus prestigieux événements musicaux au monde.
Il sera, en Juillet, à l’affiche de plusieurs festivals français : Jazz à Vienne, All Stars (New Morning, Paris), Jazz à Sète et Jazz des 5 Continents (Marseille, avec Chick Corea, John Patitucci et Dave Weckl).
La taxonomie sélectionnée pose problème. Réessayez ou choissez-en une autre.
Le trompettiste semble bien parti pour continuer à surprendre, avec des collaborations toujours plus éclectiques et des paris relevés avec brio. On attend avec impatience un petit frère au luxueux Emergence (Emarcy), en formation big band, qui nous laisse sur notre faim depuis 2009...
Pour terminer, un featuring sur le titre Samba Pa Ti (reprise de Carlos Santana), extrait de l’album Õÿö (2010, Razor & Tie) d’Angélique Kidjo :