Rayhana Obermeyer était présente pour l’avant-première de À mon âge je me cache encore pour fumer le 10 septembre dernier à Flagey. Son premier film met en scène des femmes musulmanes contemporaines, libres de penser, d’agir et de s’exprimer.
Nous sommes dans un hammam d’Alger en 1995 où les femmes se retrouvent pour se laver, profiter d’un massage ou simplement partager avec d’autres ce qu’elles ne disent pas librement en présence des hommes. Hiam Abbas joue avec excellence le rôle de Fatima, gérante du hammam dure et forte, abusée par son mari. Féministe et révoltée, elle décide d’y cacher Meriem (Lina Soualem), qui est sur le point d’accoucher, afin de la protéger de son frère. Pendant ce temps, elle continue à faire tourner la maison entre les massages, les souvenirs, les rêves, les cigarettes, les fous-rires et les disputes de ces femmes qui viennent se « réfugier » aux bains. Pour Fatima, ce lieu doit rester un endroit de détente et de liberté qui aide les femmes à s’émanciper et à se libérer d’une pudeur qui leur est imposée depuis toujours.
À la fin de la projection, Rayhana nous explique que l’équipe de réalisation était uniquement composée de femmes, ce qui se laisse deviner dans la manière dont les actrices sont filmées. Leur corps est dévoilé sans tricher et la représentation que nous en avons dans un hammam est authentique, loin de toute préoccupation esthétique. Elles sont nues et décomplexées dans des positions de détente et leurs formes sont montrées naturellement.
Les dialogues expriment eux aussi une mise à nu de leur âme et de leurs pensées en abordant des sujets forts tels que la sexualité, le mariage et la religion ; sujets qu’elles ont rarement l’occasion de défendre en public. Grosses, minces, jeunes, moins jeunes, divorcées, amoureuses, gracieuses, sensuelles, révoltées, extrémistes… elles sont toutes belles pour des raisons différentes et ont toutes une histoire à raconter, un avis à partager.
La relation des personnages met en évidence la solidarité des femmes musulmanes et, d’une certaine manière, leur ouverture d’esprit. Alors que toutes ont des convictions qui leur sont propres, elles se traitent de « petite pute impure » ou de « sale divorcée » ouvertement mais peuvent également entretenir des échanges sans que la discussion tourne forcément mal. Cette solidarité, elles la doivent aux hommes face auxquels elles sont toutes dévalorisées. Ces hommes qu’elles affrontent à la fin du film en s’unissant contre eux pour sauver la vie et la liberté de l’une d’elle.
Exilée depuis 2000 à la suite de menaces de mort en Algérie, Rayhana continue son combat pour la liberté et l’égalité de la femme musulmane en France. Après une première pièce, le Prix de la liberté (2010), elle a écrit À mon âge je me cache encore pour fumer en hommages aux femmes victimes du Front islamiste du salut (FIS) en Algérie. À la suit du succès de la pièce, on lui a demander de l’adapter en film. Défi relevé splendidement !