C’est dans le cadre du festival Elles tournent – dédié au cinéma réalisé par des femmes et qui a eu lieu du 25 au 28 janvier – que nous avons pu voir l’École de la vie, le nouveau documentaire de Maite Alberdi.

Ce long métrage documentaire, présenté en mars 2017 à Toulouse, suit un groupe de personnes atteintes de trisomie 21 pendant leurs séjours dans un centre d’apprentissage spécialisé au Chili. Mais contrairement à ce que nous voyons souvent, les protagonistes de ce film sont des adultes. À travers les yeux de quatre handicapés mentaux, diverses problématiques sont traitées. Sommes-nous si différents d’eux ?

Le film commence en présentant Anita, une femme de cinquante ans qui monte dans un bus. Elle explique qu’elle se dirige vers une école particulière : c’est un centre spécialisé qui accueille des handicapés mentaux de tous les âges. Ainsi, dans ce centre, Anita et ses collègues apprennent à faire les tâches ménagères, à cuisiner – ils ont un superbe atelier de pâtisserie –, à gagner leur vie. Il est important de remarquer comment le comique intègre le récit tout en gardant le respect envers les personnes atteintes de ce handicap. On peut se sentir mal à l’aise en rigolant à quelques moments, mais on ne rigole pas des personnes, plutôt des situations qui ont lieu. C’est un peu comme quand nous rigolons de quelque chose que fait un enfant – d’où le titre original du film, los Niños, c’est-à-dire « les enfants » en espagnol.

Il y a aussi des moments très difficiles à regarder. Par exemple, un des protagonistes, Ricardo, va voir sa grand-mère pour discuter avec elle et lui raconter ce qu’il a fait ce jour-là. Sa grand-mère lui répond qu’elle ne veut pas lui parler parce qu’il est imbécile. Le spectateur comprend que Ricardo est conscient de son handicap et comprend tout à fait ce que sa grand-mère lui dit. Ce commentaire affecte autant Ricardo que le spectateur, et nous montre comment la société chilienne n’a pas beaucoup évolué à ce sujet.

Même si la réalisatrice reste assez neutre – il n’y a pas de voix off dans le film, juste Anita qui raconte à certains moments ce qui se passe –, le documentaire est extrêmement clair dans le message qu’il veut transmettre. À travers l’histoire d’amour d’Anita et d’Andrés, le spectateur comprend que les personnes trisomiques ont aussi des aspirations et des sentiments, qu’ils veulent aussi réussir dans leur vie, tout comme lui. Anita et Andrés sont amoureux et veulent se marier et aller vivre ensemble. Malheureusement, même si leurs objectifs sont clairs pour eux, ce ne sont pas eux qui décident. Sans l’accord de leurs familles, ils ne pourront pas réaliser leur rêve.

Tout au long du documentaire, on apprend à connaître Anita, Andrés, Ricardo et Rita. Ils nous parlent, et le spectateur est surpris par leurs conversations. Elles sont souvent intéressantes et profondes – malgré leurs difficultés d’élocution – ce qui apporte un point de vue différent sur la trisomie 21. Ils sont des adultes conscients, et ils veulent être traités de cette manière. Ils ont des relations amoureuses, ils boivent de l’alcool et ils veulent se battre pour leurs droits.

Cette réalité est aussi montrée à travers l’aspect technique, qui n’est pas négligé. On remarque avec surprise que la caméra se concentre quasi uniquement sur les handicapés. Les autres personnages – professeurs, famille – n’apparaissent quasiment pas et, s’ils le font, ils sont presque à tout moment défocalisés. La caméra ne s’intéresse pas à ces personnes-là – et le spectateur non plus. Ce sont Anita et ses amis qui attirent notre attention.

En regardant l’École de la vie, on a souvent l’impression que les dialogues ont été scénarisés, que les personnages jouent un rôle. La réalisatrice explique qu’elle a tourné quatre jours par semaine pendant un an, ayant plus de deux cents heures de rushs. Anita et les autres répétaient souvent leurs dialogues, ce qui lui a permis de faire un montage très dynamique et cinématographique. Il y a un fil rouge qui traverse le documentaire et qui permet au spectateur d’être toujours attentif à ce que la réalisatrice nous montre ; ce ne sont pas seulement des images indépendantes qui se suivent.

On s’attache profondément aux personnages, on souffre et on rit avec eux. On ne veut pas que le film termine. Mais une fois rallumées les lumières de la salle, on s’interroge pas mal au sujet de ces personnes qui ne sont au fond pas si différentes de nous. Ont-ils le droit de se marier ? D’un côté, nous comprenons la peur de leurs parents de les laisser seuls, mais de l’autre nous voulons aussi qu’ils puissent réaliser leurs rêves. Ne méritons-nous pas tous d’être heureux ?

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L’École de la vie

Réalisé par Maite Alberdi
Chili, France, Hollande, 2017
82 minutes