L’écriture minimale de Marie Redonnet lui permet de traiter de sujets délicats et actuels avec une facilité inhabituelle. Dans
L’écriture minimale de Marie Redonnet lui permet de traiter de sujets délicats et actuels avec une facilité inhabituelle. Dans
Trio pour un monde égaré, récit à trois voix, elle aborde des thématiques comme la guerre, l’exil ou l’identité, sans laisser les personnages, aussi attachants que terrifiants, s’y emprisonner.
Son précédent roman,
La femme au colt 45, publié en janvier 2016, après dix années de silence, l’écrivaine Marie Redonnet le consacrait à l’épreuve de l’exil, qui peut souvent être aussi salvatrice que blessante. Le lecteur se plaçait dans les pas d’une femme, actrice et mère, bien déterminée à continuer à vivre et à rêver. Lora Sander, une héroïne aussi marquante et touchante par ce qui la rend exceptionnelle que par ce qui fait d’elle une femme ordinaire et banale, y fuyait sa patrie, sous le joug d’une dictature. Impuissant, le lecteur la suivait dans ses doutes et l’observait se rediriger au fil des obstacles qui se dressaient sur son chemin, sans qu’elle oublie pour autant de vivre et d’espérer.
Lorsqu’il lui est demandé, après la sortie de La femme au colt 45 , si elle a déjà des projets d’écriture futurs, Marie Redonnet répond , prudente, « Je suis de nouveau dans la phase initiale et obscure de la recherche. Rien n’est assez clair pour que je puisse en parler ». Moins de deux ans après, Trio pour un monde égaré , son dernier roman, témoigne, s’il le fallait, qu’elle ne s’est pas perdue en route, donnant à nouveau à lire un récit qui prend aux tripes .
Ce sont en fait plutôt trois récits qui, côte à côte, se déploient dans ce roman, portés par trois voix, trois histoires, trois trajectoires. Tate Combo a fui la destruction annoncée de son village avant de devenir victime du projet esthétique d’un photographe mégalo. Willy Chow, un ancien combattant rebelle, s’est retiré au plus près de la nature, sur une grande propriété qu’il a acquise, avant de devoir à nouveau faire face à son passé. Douglas Marenko est un scientifique qui se retrouve emprisonné après avoir voulu fuir son pays, où sa vie était mise en danger ; mais ses souvenirs se troublent et il en arrive à tout mettre en doute, jusqu’à sa propre identité. Si les personnages sont singuliers, leurs récits se croisent dans les affres de la guerre et dans la violence des hommes, entre amour et désespoir, espoir et haine, tous en quête d’une part d’eux-mêmes , dans un monde qui bouge, pour le meilleur et pour le pire.
C’est au moyen d’une certaine légèreté de la langue, d’une certaine simplicité, que l’auteure aborde des questions dont la dureté et la souffrance inhérentes sont pourtant sans commune mesure. La violence du monde, ainsi décrite en donnant l’impression de ne pas y prêter attention, sans exagération ni dramatisation, sous un aspect brut, secoue d’autant plus le lecteur, invité à pénétrer l’intimité des différents personnages. En effet, l’écriture de Marie Redonnet le fait accéder à des doutes, à des tergiversations de l’âme, à des histoires compliquées, avec les autres mais aussi avec soi-même, et à tout le choc des déterminismes qui s’abattent sur eux : qu’il s’agisse de la guerre, de la maladie ou de la pauvreté.
Cerise sur le gâteau, Trio pour un monde égaré s’achève sur un texte dans lequel l’auteure revient sur son parcours, de façon détaillée, racontant les évolutions de sa vie et de son œuvre, en donnant à voir avec clarté les soubresauts et les doutes qui parsèment un peu plus de trois décennies où s’est déployée, et affirmée, une écriture atypique visant, explique-t-elle dans sa postface, à « témoigner poétiquement et politiquement du monde dans lequel je vis et [à] explorer de nouveaux possibles » .