critique &
création culturelle
The Scientists
Blood Red River 1982-1984 Du rock de rockeux !

Crions-le haut et fort, même si cela sonne comme une hérésie pour les plus rockeux des rockers : non, les tenants les plus âpres du rock australien ne sont ni Bon Scott ni Nick Cave. La légende de l’un et la carrière de l’autre n’y feront rien, les deux loustics ne pourront jamais se prévaloir de combattre dans la même catégorie que Kim Salmon .

Monsieur Salmon, c’est la catégorie poids lourd, le genre de mecs qui traîne son rock primal depuis plus de trente-cinq ans au milieu des rings poisseux des clubs australiens, et bien au-delà, mais dont malgré tout, peu peuvent se targuer de connaître la carrière.

Manifeste rock

Laissons de côté la carrière de Kim Salmon un instant et tirons plutôt le portrait de ce qui reste, à notre humble avis, son manifeste le plus important : The Scientists .

Formation obscure de la fin des années 1970, le quatuor — Brett Rixon (batterie), Boris Sujdovic (basse), Tony Thewlis (guitare) et Kim Salmon (voix et guitare) — constitue un pur produit australien qui sent bon l’huile de vidange et dont on commence seulement à mesurer l’influence. Car les Scientists, c’est un peu comme ces poids lourds australiens à quatre remorques de nonante mètres de long, qui vous soulèvent des nuages de poussière rouge et vous exterminent une myriade de kangourous à la seconde. Une tempête de rock primal aux influences blues qui foudroient les tympans.

Pas étonnant donc de lire Thurston Moore déclarer à leur propos : « The Scientists proved to me that Rock’n’Roll could be played by gentlemen in fine silk shirts half unbuttoned and still be dirty, cool and real. »1

Encore moins surprenant de lire que les quatre gaillards déclarent d’eux-mêmes, sans ironie et avec une conviction absolue : « The path to riotness was the path to righteousness and we were on it. We didn’t just believe, we knew that we would be misunderstood first, worshipped and adored later. »2

Malgré d’incessants changements de personnel, Salmon restera le leader incontesté des Scientists. Il parviendra à entraîner sa machine de Perth vers Sydney, puis vers Londres où le groupe connaîtra un certain succès commercial avec l’enregistrement de The Human Jukebox en 1986 . Un an plus tard, le groupe revient en Australie et s’éteindra là où tout avait commencé, au Shenton Park Hotel de Perth, un club crade et poisseux.

Blood Red River

Le mini-EP Blood Red River sort en 1983 mais c’est la réédition sortie en 2000 chez Citadel Records qui nous intéresse ici. Tous les titres présents sont composés entre 1982 et 1984. Ils constituent une odyssée 100 % rock’n’roll qui ramène le genre à son essence la plus sale, la plus pure. Riffs de guitare carrés charcutés de larsens, lignes de basse se limitant à deux notes et une batterie métronomique à souhait. Mélangez le tout et vous obtenez la bande-son idéale du prochain Razorbak . Les lyrics et la voix de Salmon soulignent encore davantage l’esthétique noire du groupe : « Swampland », « When Fate Deals its Mortal Blow », « Murdress in a Purple Dress ».

Les Scientists est-il le meilleur groupe de l’histoire du rock, ainsi que Kim Salmon et sa bande aime à le répéter ? À vous d’en juger, mais saluons tout de même l’attitude !