critique &
création culturelle
Bribes d’Avignon :
pérégrinations d’une festivalière (1)

Vous avez manqué l’édition 2015 du plus in des festivals ? Vous voulez revivre en quelques mots l’effervescence intramuros ? Ça tombe bien. Manon Frémineur a rassemblé pour Karoo quelques impressions spontanées de sa première fois en Avignon.

Photo © Alice Piemme.

J’ai craqué. Sur un coup de tête, dimanche 19 juillet, j’ai plié bagages et me suis glissée dans un covoit’ direction Avignon pour une semaine intensive de boulimie théâtrale. Sept jours, seize spectacles, trois coups de cœur, quatre cent vingt-sept frissons et vingt-trois piqûres de moustique plus tard, j’en reviens enchantée. Avant d’évoquer mes impressions, résultats d’un appétit candide, quelques mots sur les tendances générales du festival.

Côté in , si les deux rois de Shakespeare trônant à l’affiche ont déçu ou dérangé ( le Roi Lear d’Olivier Py et le Richard III d’Ostermeier), la 69 e édition aura tout de même défié les records d’affluence avec un taux de remplissage de 93,05 % contre les 89 % de l’année précédente. Le directeur Olivier Py se dit satisfait malgré les polémiques : « Qu’on aime, qu’on n’aime pas, qu’on soit en colère, qu’on soit ravi, c’est le jeu d’Avignon 1 . »

Côté off, l’imposant catalogue témoigne d’un véritable métissage culturel . Avec plus de 1 300 spectacles par jour, ce festival bis (qui fête cette année ses cinquante ans) réunit encore une fois une myriade de compagnies indépendantes venues d’ici ou d’ailleurs : France, Belgique, Suisse mais également Allemagne, Chine ou Corée. Les troupes investissent alors les théâtres fixes autant que les petites salles de fortune dans une diversité de répertoires, de niveaux et de genres. Au théâtre s’ajoutent le cirque, la danse, les conférences, les concerts. Le spectateur se trouve donc au cœur d’un véritable labyrinthe de productions culturelles. Comment s’orienter ? Que choisir ?

Lundi 20 juillet, je franchis les remparts en plein cagnard – 37° à l’ombre et pas une once de mistral. Rue de la République, la foule s’agglutine. Les cris des comédiens se mêlent au chant des grillons : les troupes haranguent le chaland à coups de rimes et de flyers. Bienvenue dans le dédale avignonnais ! Premier réflexe : se rendre à la billetterie du in pour bloquer les places des spectacles encore disponibles. Sur place se trouve à disposition une revue de presse quotidienne au sujet des diverses productions. Voilà donc une première manière de faire le tri, si vous êtes perdus.

Coup de cœur du in

Le cloître des Célestins. Photo © Christophe Raynaud de Lage.

Sur les quatre spectacles du in sélectionnés, j’en retiendrai un : Fugue , du jeune comédien et musicien Samuel Achache. Cette comédie audacieuse centrée sur une expédition de scientifiques dans le Grand Nord se jouait au cloître des Célestins, entièrement recouvert de fausse neige pour l’occasion. Loufoque et drolatique, la narration est ponctuée d’intermèdes musicaux baroques assurés par les jeunes comédiens, survoltés et détonants de justesse. Coup de cœur glacé pour cette folie polyphonique avec échange de questions existentielles en anorak.

Pour s’orienter dans le sinueux village du off , faisons d’abord halte au Théâtre des Doms, vitrine Sud de la création en Belgique francophone. Carrefour chaleureux et véritable creuset relationnel, le théâtre vous accueille dans une petite cour ombragée avec fontaine, bières belges et brumisateurs. C’est là que j’entends les premiers conseils : ne pas louper tel spectacle à la Manufacture, en éviter un autre ailleurs. Les discussions et le bouche à oreille font donc office de boussole eux aussi ! Les Doms proposent également une série de lectures, rencontres et débats qui vous permettront d’échanger vos impressions un verre à la main.

Coups de cœur du off

Le cloître des Saint-Louis. Photo © Christophe Raynaud de Lage.

Avant de passer le flambeau à son successeur Alain Cofino-Gomez, la directrice Isabelle Jans signe une dernière et belle édition aux Doms. La sélection de spectacles audacieux dans des créneaux très variés satisfera petits et grands, amateurs et professionnels. Je recommanderais sans hésiter Loin de Linden , spectacle authentique et percutant de sincérité , de même que la réécriture des Misérables par la compagnie Karyatides, qui étonne par son lyrisme fédérateur .

Les chauds après-midis de la cité papale vous offrent donc un choix vertigineux d’activités. Traînez un peu dans la typique rue des Teinturiers, osez les chorales et concerts classiques au cœur des églises bien fraîches, foncez aux conférences et surtout, laissez-vous surprendre au détour des ruelles…