critique &
création culturelle
Macbeth
Gold, Always believe in your soul

Du 19 mars au 6 avril, dans la grand salle du Théâtre Varia, Michel Dezoteux propose au public de sombrer dans la folie meurtrière de Macbeth. L’enfermement, la folie et toutes ses lueurs donnent aux cris continus de Macbeth et de ceux qui ont croisé le chemin de sa prophétie un écho tout particulier…

Entrer et apercevoir que dans la salle, côté public, sont accrochés des lustres, ça interpelle inévitablement. Alors, une fois mon siège choisi je m’interroge… Qui Macbeth décidera-t-il de tuer ce soir ? Vais-je devoir prendre part aux crimes du roi shakespearien ?

Outre les lustres, c’est une brume épaisse qui m’accueille. Elle emplit un plateau balisé de grillages au travers desquels seule la lumière pourra figurer l’espace mental et physique vers où les personnages m’emmèneront tout au long du spectacle. Une palissade grillagée en milieu de plateau semble être la porte vers le monde extérieur qui deviendra tour à tour l’ailleurs, la forêt, la nuit… Je me sens prisonnière de l’espace scénique, comme si la sortie se trouvait au-delà de tout, comme si, moi-même derrière les grilles noires, sous les lustres qui éclaireront le public plus tard, j’avais pris la décision de m’enfermer avec Macbeth, et de devenir une victime potentielle de sa folie et de son ambition.

La brume se fend d’une présence tout attendue et singulière… Une sorcière, quelque part entre les Grées, Charlize Theron et la grande prêtresse dorée des Gardiens de la galaxie 2 court, perdue dans l’épaisseur du crépuscule, encore coiffée de son masque de sommeil.

Cette apparition, à la fois mystique, furtive et silencieuse, annonce une suite d’évènements funestes. Pourtant son aura, les tons dorés qu’elle arbore, comme une déclinaison de la chaleur que les lumières prendront parfois dans le spectacle, me réchauffent, m’intriguent… Mais elle fuit, pour revenir plus tard, chargée du lourd message qui entrainera Macbeth vers le crime, le trône et la mort. Cette première apparition, et le silence qu’elle laisse derrière elle, deviennent messagers de l’inévitable, de la folie qui court dans la salle et du caractère imparable des grilles qui cadenassent l’espace et l’esprit.

Mais le spectacle commence, et du silence enivrant, je passe aux glorieux cris qui acclament Macbeth. Le roi Duncan fait chavirer mon cœur, telle une version sous acide de Sir Hector du Merlin l’enchanteur de Disney. L’ensemble des personnages aux prémices du spectacle semble avoir été plongé dans un bain punk rock kitch, bling-bling, dont ils sont presque tous sortis vêtus de pantalons en cuir noir moulants (qu’en toute honnêteté j’apprécie assez…), comme si Shakespeare et les membres des groupes Scorpions et Indochine avaient engagé un partenariat. Ces textures, le noir, les chaînes dorées qui pendent au cou du roi, les collants noir et or de son fils, enserrent et donnent le ton d’une atmosphère au cœur de laquelle austérité flirte avec coquetterie, où les apparences et les ambitions contredisent les valeurs, où le cœur se noircit au fur et à mesure que la folie embrase l’esprit de Macbeth. Lady Macbeth elle-même traverse ce cauchemar de part en part plus éclatante à chaque seconde tandis que l’hémoglobine colore son âme, sa lignée et son destin.

Et dans cet espace où l’apparat raconte le paradoxe des destins croisés, chacun prend en otage le public, que ce soit pour commenter, justifier, vivre pleinement une introspection. À tour de rôle, Macbeth, sa femme, Banquo, Macduff et les autres déconstruisent et reconstruisent en une même réplique le quatrième mur. Tout au long du voyage, l’adresse directe au public est omniprésente, chaque personnage me laisse un commentaire, chacun me parle tout en s’écoutant, chacun met en scène sa propre confession au public. Parfois, une anecdote s’éternise, le langage shakespearien laisse même de l’espace à une histoire de commande de pizzas…  Lorsque je ne suis pas récepteur direct du message des personnages, j’entends leur douleur, leur joie, leur doute, leur ambition hurlée, elle vient à moi comme un cri continu qui rend palpable et perméable la folie de Macbeth.

Il me reste alors, pour me réconforter, la lumière dorée qui s’empare du plateau à travers les grillages, celle qui perce les lustres du public, elle dessine et souligne l’enfermement tout en le rendant miraculeusement confortable, comme une douce folie qu’on aurait peine à quitter. Elle rappelle le faste et l’apparat qui naît des ambitions et des espoirs de Macbeth, et qui peut cacher le sang, jusqu’à un certain point…

Alors que Macbeth devient fou, que le sang dans lequel il se baigne le rattrape, et que la folie de l’homme devient son visage…  Je me sens à la fin de l’expérience étrangement ailleurs.

Prisonnière de l’espace, otage des adresses public et d’un complot déjà écrit, je regarde la forêt s’approcher et la prophétie s’accomplir, la lumière décroit et avant même que Macbeth n’embrasse son destin, je suis déjà bien au-delà du château.

Marquée de la funeste histoire du roi écossais, je me situe au-delà des grilles, dans ce monde réel où tout s’accélère, et dans lequel la folie étreint chaque être. Au sortir du spectacle, je m’interroge : nos prophéties contemporaines peuvent-elles nous faire perdre notre âme ?

Même rédacteur·ice :

Macbeth

Texte original de William Shakespeare
Mise en scène de Michel Dezoteux
Avec Karim Barras , Eric Castex , Coraline Clément , Blaise Ludik , Fanny Marcq , Vincent Minne , Denis Mpunga , Baptiste Sornin

Du 19 mars au 6 avril 2019 au Théâtre Varia