critique &
création culturelle
Macbeth
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Ubu, roi d’Afrique

Cet article commence par un aveu : avant Macbeth , je n’avais jamais vu aucun opéra de ma vie. Enfant, ma grand-mère avait bien essayé de m’intéresser aux ballets comme Casse-noisette ou Pierre et le loup . Mais ce fut tout. Pour un novice comme moi, cette première rencontre avec l’opéra s’est révélée concluante. Le choix du metteur en scène d’intégrer le classique Macbeth dans un cadre contemporain y joue pour beaucoup. Bien sûr, il faut apprécier le chant lyrique. Bien sûr, il faut aimer les tragédies classiques. Et il faut évidemment accepter de se plonger dans un spectacle de deux heures. Mais l’originalité de la troupe de Brett Bailey intrigue et séduit.

© Piet Janssens

Car ce metteur en scène sud-africain, né en 1967, passé par Amsterdam, versé dans le théâtre et les performances, met l’Afrique et le post-colonialisme au centre de son travail. Collaborant avec des artistes africains, il a créé une troupe de chanteurs congolais pour sa dernière création. Le spectacle qu’il a tiré de l’opéra de Verdi est mêlé d’influences multiples. La musique emprunte parfois des rythmes africains. Certaines chorégraphies aussi. Transposé au temps du post-colonialisme et de la mondialisation, Macbeth s’accompagne d’un regard politique actuel. L’organisation toute-puissante qui régit l’économie (et donc la politique) dans le Congo cauchemardesque de Brett Bailey s’appelle « Hexagon » et n’est pas sans évoquer la Françafrique et ses dérives. L’ivresse de pouvoir des époux Macbeth se traduit par un penchant pour l’opulence vulgaire : robes léopard, lunettes de soleil démesurément grandes, etc. Ils deviennent les personnages grotesques d’un drame universel. Le spectacle se métamorphose en une sorte d’ Ubu roi chanté et africain. L’ombre d’Alfred Jarry plane, le spectateur rit et la tragédie continue pourtant. Pour mieux exposer le chaos dans lequel Macbeth plonge son peuple, des photographies défilent ponctuellement à l’écran et le réel s’invite dans la fiction. Car, comme les grandes tragédies ont su capter l’universel, elles restent malheureusement d’actualité. Toujours il y aura des quêtes sanglantes et irraisonnées du pouvoir.

© Piet Janssens

Avec Macbeth , l’œil ne manque pas de sollicitations : la scène se partage en cinq espaces. D’abord la scène, comme espace de jeu, centrale. À l’arrière-plan, un écran où s’affichent les photographies, les récitatifs du spectacle, de courtes biographies des chanteurs. Côté jardin, les sorcières de Macbeth prennent des allures de chœur de femmes. Côté cour, un orchestre réduit joue la partition de Verdi superbement réarrangée par le Belge Fabrizio Cassol. Enfin, de part et d’autre de la scène, défilent les sous-titres bilingues des chansons réaménagées. On pourra reprocher parfois un manque d’unité et de lisibilité entre ces espaces. Des sous-titres pas toujours synchronisés, certains récitatifs cachés par les acteurs empêchent une compréhension parfaite du spectacle. De même que, si la modernisation de Macbeth la rend actuelle et accessible, elle est parfois excessive et s’encombre de détails inutiles. Mais on pourra aussi s’enthousiasmer pour cette troupe de chanteurs lyriques, tous épatants. Pour moi, ce Macbeth demeure une belle entrée en matière. En attendant d’en voir d’autres.

Réservations : www.kfda.be/fr

Billetterie : cinéma Marivaux, ouverte de midi à 19 heures.

98 boulevard Adolphe Max

1000 Bruxelles

T +32 (0) 70 222 199

Même rédacteur·ice :

Macbeth
de Brett Bailey / Third World Bunfight
Les 13, 15 et 16 mai à 20 heures
Au KVS, dans le cadre du Kunstenfestivaldesarts
146 rue de Laeken
1000 Bruxelles
En italien (sous-titres français et néerlandais)
120’