critique &
création culturelle
Petites histoires de la folie ordinaire,
celle que l’on connaît bien

Dans un tourbillon de scènes rocambolesques, David Strosberg met en scène Petites histoires de la folie ordinaire , une pièce où la solitude et le besoin de reconnaissance côtoient cette douce et amère folie qui fait de nous des êtres vivants. Une pièce étrangement drôle et profondément touchante.

Petites histoires de la folie ordinaire , c’est d’abord celle de Petr – interprété ici par l’excellent Philippe Grand’Henry –. À 35 ans, il fait un boulot qui ne l’intéresse pas, a perdu la femme qu’il aime et picole pour faire passer le tout. Autour de Petr, il y a les autres : Moustique, son ami encore plus paumé que lui, sa mère hystérique et son père qui perd la boule, un couple de voisins instables, un patron pas tout à fait net et surtout Jana, qui l’a quitté sans trop savoir pourquoi.

Entre dépression, hystérie, déviances sexuelles en tous genre, sénilité ou Alzheimer, hallucinations, délires paranoïaques, tendances maniaco-dépressives et autres pulsions suicidaires, l’auteur tchèque Petr Zelenka parvient à faire, de manière à la fois intelligente et intelligible, l’inventaire clinique de tous les maux psychiques de notre époque.

Au fil du récit de vie de ces dix personnages se tisse une critique des exigences de perfection de la société. La vie de Petr et de son entourage reflète ainsi celle de nombreuses personnes incapables d’atteindre cette perfection parce qu’ils sont tout simplement humains.

Entre-temps, chacun vit reclus dans sa folie ordinaire, l’isolant des autres et de lui-même par peur de ne pas répondre à cette norme imposée.

Ainsi, la mère de Petr reproche à son fils et son mari de ne pas s’intéresser à elle et s’inquiète des malheurs du monde tout en refusant de s’interroger sur son propre bien-être et celui de ses proches. Moustique considère qu’il a assez souffert des femmes, essaye de les substituer mais ne peut toutefois pas se passer d’elles. Le voisin, artiste maudit, cherche à défier un système qui le dépasse mais ne trouve d’autres alternatives que la violence pour s’exprimer.

L’ensemble de la pièce repose ainsi sur un équilibre fragile d’histoires abracadabrantes où tout peut basculer vers le drame. La scénographie reflète d’ailleurs brillamment ce désordre mental. Les séparations translucides et les nombreux fardeaux attachés à la conscience marquent la distance entre les êtres. Le capharnaüm d’objets quotidiens vient compléter le tableau et réaffirme le contact avec la réalité tangible et pesante.

Tout comme la mise en scène qui explore le chaos à bien des égards, au risque de tomber dans l’absurde sans fond et l’ennui conséquent. Une frontière qui est parfois bien fragile. Les scénettes se succèdent dans un rythme effréné qui laisse toutefois la place nécessaire aux moments de calme et de réflexion. David Strosberg parvient donc à rendre cet éventail de misère mentale non seulement cohérent mais aussi férocement drôle.

Souvent à la limite du vulgaire, l’humour noir transperce la scène du début à la fin. Le rire suscité par l’absurde se veut à la fois cathartique et subtil, tel un miroir vers la petite folie intérieure du spectateur et une réflexion sur ses mécanismes de défense.

INFOS

Dates :
Les vendredi 3 et samedi 4 octobre, et du lundi 7 au samedi 11 octobre au théâtre Les Tanneurs.
Horaire : 20h30 sauf mercredis 01.10 et 08.10 à 19h
Durée : 1h40
Réservations : Théâtre Les Tanneurs
reservation(Remplacez ces parenthèses par le caractère @)lestanneurs.be
02 512 17 84

En tournée :
Au Manège de Mons : du 15 au 17 octobre.
Au Théâtre de Namur : du 21 au 24 octobre.
Au Théâtre de Liège : du 18 au 22 novembre.

Même rédacteur·ice :